Fin limier de l'Ancien Testament, Thomas Römer fait parler les textes
Au mur de son petit bureau à l’Université de Lausanne, une figurine de Moïse est épinglée, souvenir d’un voyage aux Etats-Unis. Thomas Römer, chemise et cravate noire, sourit quand je lui demande de me la montrer. « Moïse occupe la majeure partie de la Bible hébraïque que j’étudie ; cette figurine un peu kitsch est un clin d’œil à mon travail de chercheur, qui tourne beaucoup autour de la figure symbolique du premier des prophètes, fondateur du peuple d’Israël, et médiateur d’une impressionnante collection de lois ». Inlassablement, Thomas Römer arpente le Pentateuque où est racontée l’épopée de Moïse pour décrypter l’histoire d’Israël, telle que les premiers scribes judéens ont tenté de la rapporter. Il compare les textes écrits dans différentes langues sémitiques, les approches et les théories, des plus actuelles aux plus anciennes, afin de découvrir comment ont été transmises les sources à l’origine de la Bible hébraïque. Il cherche à comprendre comment un peuple consigne son histoire et se construit une identité. « La lecture des différents textes passés au crible des connaissances actuelles, aussi bien en histoire, en archéologie, en exégèse, en linguistique, demande une réinterprétation et une actualisation constantes », explique le bibliste, qui précise qu’aujourd’hui la manière de faire parler les textes a beaucoup évolué. « On est toujours dans les hypothèses, mais on essaie de les rendre plausibles ».
Sa passion pour l’Ancien Testament, Thomas Römer, natif de Mannheim en Allemagne, la doit au professeur Rolf Rendtorff, spécialiste de l’Ancien Testament à l’Université de Heidelberg. « Je voulais étudier à la fois le français et la théologie, je m’intéressais aussi beaucoup au Proche-Orient, j’ai appris à déchiffrer l’ougaritique, la plus ancienne écriture qu’on connaisse, mais aussi l’araméen.
C’est à Nancy, où il est nommé pasteur dans les années 1980, que Thomas Römer perfectionne son français après avoir séjourné auparavant durant une année à Paris. Il y reste trois ans. Puis part pour Genève où il obtient un doctorat en théologie. Il est très vite reconnu pour ses travaux dans le domaine des études de la Bible hébraïque et son analyse historique du judaïsme. Une question me démange. Le Dieu vengeur de l’Ancien Testament ne l’a-t-il pas découragé ? « Les images de Dieu que l’on donne à certaines époques sont souvent liées à la position qu’occupent les religions dans la société. Cette image du Dieu de la Loi légitime l’autorité de l’Eglise, jadis fortement liée au pouvoir. On avait intérêt à présenter un Dieu légitimant l’autorité. Aujourd’hui, on est en plein phase de désarroi, en quête d’identité, l’Eglise a perdu sa légitimité, qui allait jadis de soi, on réalise la fragilité humaine, ce qui fait qu’on découvre maintenant des textes révélant un Dieu fragile, un Dieu accueillant et parfois souffrant. Il est difficile de parler de Dieu sans image, quand bien même le Décalogue impose de ne pas se faire d’image de Lui. Comment présenter Celui qui répond à Moïse : «Je suis Qui je suis ». Alors selon les époques, les représentations changent et s’adaptent au contexte ».
Quand Thomas Römer n’est pas plongé dans ses recherches ou pris par ses occupations d’enseignant et de vice-doyen de la Faculté de théologie et des sciences des religions à Lausanne, il aime découvrir le monde, parcourir l’Asie ou l’Amérique. « J’ai une âme de nomade », explique-t-il, et j’ai la chance de pouvoir voyager dans le cadre de mon travail ».