Deux enquêtes de terrain révèlent que l’approche des religions diffère selon les enseignants

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Deux enquêtes de terrain révèlent que l’approche des religions diffère selon les enseignants

25 septembre 2007
Même lorsque la loi le prévoit, comme dans le canton de Vaud, l’enseignement de l’histoire biblique est parfois utilisé pour faire des tâches administratives, de l’allemand ou rattraper un retard
D’un enseignant à l’autre, les pratiques peuvent varier fortement.Comment les enseignants d’histoire biblique intègrent-ils dans leurs leçons les multiples confessions qui, aujourd’hui, caractérisent une majorité de classes ? Gaëlle Bigot et Sophie Richard, qui ont consacré leur mémoire de diplôme d’enseignante des degrés préscolaire et primaire à cette question, ont été surprises des réponses récoltées dans une dizaine de classes vaudoises de Payerne, Corsier, Avenches, Yverdon et du quartier lausannois de la Pontaise. Durant les six premières années de la scolarité obligatoire, la loi scolaire et la grille horaire prévoient une période d’histoire biblique par semaine. « Dans les faits, vu le volume des choses à faire, et notamment le poids de la gestion administrative de la classe, c’est une branche qui passe facilement à la trappe. D’autant que certains enseignants ne se sentent pas à l’aise avec cette matière, ou considèrent qu’elles relèvent du domaine privé. C’est dommage d’en arriver là, mais je pense que cet enseignement serait davantage pris au sérieux s’il donnait lieu à une évaluation des connaissances des élèves », explique Sophie Richard. Les classes visitées vont de la troisième à la sixième année primaire.

Trois enseignants sur dix ont ainsi déclaré ne pas enseigner l’histoire biblique, utilisant ce temps pour régler des tâches administratives, faire de l’allemand et rattraper les retards, ou assurer « un moment d’échange » entre les élèves. Pour ceux qui y consacrent bel et bien une période, les thèmes et les pratiques divergent d’un maître à l’autre : jeux de rôle sur le thème du racisme, de la tolérance ou du respect, discussion des problèmes survenus en classe, confection de pain sans levain, fêtes religieuses ou thèmes proposés par le manuel Enbiro, comme les dix commandements. Les sujets sont aussi choisis en fonction des attentes des élèves, des thèmes d’actualité ou des situations vécues par la classe (le respect, la tolérance, la « morale dans le bon sens du terme »).

Presque tous les enseignants interrogés jugent essentiel de parler des différentes religions lors des cours d’histoire biblique, notamment lorsque la classe compte diverses confessions. Parler des différents rites est également un facteur d’intégration et de valorisation des élèves de culture non-chrétienne. Bien que le matériel à disposition des petites classes les y incite, « certains maîtres ne se sentent pas à l’aise ou ont peur de dire des choses erronées par manque de connaissances », relève Sophie Richard.

A Genève, l’enseignement public est laïque et « garantit le respect des convictions confessionnelles des élèves et de leurs parents », selon l’art. 6 de la loi sur l’instruction publique. Dans leur mémoire soutenu cet été et intitulé « Fêter Noël dans l’école laïque ? Dilemmes et choix pédagogiques et didactiques des enseignants », trois étudiantes de la Faculté de psychologie et des sciences de l'éducation se sont intéressées à 5 classes connaissant une forte mixité culturelle, puisque les 101 élèves provenaient de 36 origines différentes. « Nous avons relevé passablement de contradictions entre la prudence prônée par ces enseignantes (on pouvait évoquer Noël mais sans donner son avis, en restant neutre dans ses propos et sans commenter l’épisode de la naissance de Jésus) et les symboles religieux qui emplissaient les classes à cette époque, qu’il s’agisse d’anges, d’étoiles à cinq branches, de sapins (arbres de vie qui ne meurt pas) ou de crèches vivantes », constate Monia Rahai, qui a réalisé l’étude avec Sabrina Carrozzini et Carlyne Hostettler. Beaucoup de ces décors, censés créer une atmosphère douillette, n’avaient pas de signification religieuse pour les enseignants, relèvent encore les étudiantes, qui se sont rendues auprès des élèves de 4 à 8 ans des écoles de Meyrin, Plainpalais/Carouge et de la Servette. « Au niveau didactique, Noël était cependant une motivation réelle. Les chants, l’utilisation du calendrier ou des fiches, tout tournait autour de cette fête », poursuit-elle. Les étudiantes ont simultanément constaté des « stratégies d’évitement face aux questions proprement religieuses des élèves, soit parce que les enseignants n’étaient pas sûrs de leurs compétences ou de leurs connaissances à ce sujet. A notre avis, ce serait un bon thème à aborder dans le cadre de la formation continue des maîtres, de manière à de pas laisser les questions des enfants sans réponse, et parce que ce sujet pose tout de même un dilemme aux enseignants », conclut Monia Rahai.