La "Thomasmesse" débarque en Suisse romande pour séduire les distancés de l’Eglise« Un pasteur capable de m’émouvoir pourrait me faire revenir au culte »
« Vous voyez ces paniers pour la collecte, posés en évidence sur le haut-parleur ? Lorsque je les vois, ça me dérange. L’Eglise est trop souvent en train de solliciter notre générosité ». Daniel Favre parle franc. Ce policier de 42 ans ne pratique que très occasionnellement le culte, mais envoie ses enfants au catéchisme. Il fait partie du public cible que souhaite toucher un tel événement. Il a accepté de livrer, à chaud, ses impressions. « J’attends un événement joyeux, pas un show ! », précise-t-il d’emblée.
La grande salle du collège du landeron affiche un taux d’occupation honorable, mais la foule des grands jours n’est pas là. L’ambiance est à la fête, les enfants crient et s’amusent, le ton général est enjoué et la musique essentiellement chorale et pop-rock. La célébration veut toucher le public par la diversité des ateliers proposés et une spiritualité non contraignante. La formule séduit visiblement Daniel Favre. « Je vais allumer une bougie, c’est ce que je fais chaque fois que je visite une église. Je pense immédiatement au divin et aux personnes décédées. Par contre, je n’irai pas demander une bénédiction, ni me confier au groupe d’écoute. Je me sentirais trop exposé au regard des autres ». Il n’ira pas non plus écrire une prière ou acheter une BD dans le stand « Dessin ». Même la prière silencieuse auprès d’une sœur de Grandchamp, agenouillé face à une icône du Christ, lui donne l’impression de trop s’impliquer. « J’irai volontiers sur place dans la communauté, mais ici je me sens comme en vitrine ».
Daniel Favre est, plus que tout, sensible à la dimension symbolique et émotionnelle. « Vous voyez ce clown, venu pour les enfants ? Il lève les bras en chantant. Il vit la chose avec ses tripes. Voilà ce que j’attends d’un pasteur. L’Eglise est souvent trop cérébrale, trop appliquée. Je suis sensible aux personnes qui parlent avec leurs tripes. Une lecture des textes bibliques est en fait très éloignée de mon vécu. Je trébuche vite sur des mots comme Corinthiens… ».
A l’issue du culte, Daniel Favre résume son expérience en soulignant l’aspect enjoué et le rayonnement de certains intervenants : « Je n’ai pas vu le temps passer ! La prochaine fois, j’emmènerai mon épouse ». Tout est dit. Enfin presque. De là à retrouver le chemin de l’église de son village, il y a encore un pas. « L’élément le plus susceptible de me faire revenir à l’église, c’est un pasteur capable de m’émouvoir ».
Quelques jours plus tard, le pasteur du Landeron, Guillaume N’Dam, tire un premier bilan. L’organisateur pense avoir touché un large public, surtout par le biais de l’implication des enfants. La dominante évangélique de ce culte correspond bien à sa sensibilité personnelle, mais elle n’est pas la planche de salut de l’Eglise. « On gagne à additionner nos richesses ! Chaque famille d’église peut apporter sa contribution. Pour exemple, les chants de Taizé et les cantiques que l’assemblée a entonnés ». Il résume à sa manière la plus grande faiblesse de son Eglise : la peur du changement. Pour le pasteur, cette peur n’est pas le fait, en premier lieu, des paroissiens, mais bien de ses collègues pasteurs. « Peu de théologiens sont capables d’adapter leur langage à nos contemporains et d’adapter leur pratique à d’autres sensibilités ». Pour lui il y a urgence : « Si l’on garde le statut quo de l’Eglise on va s’affaiblir toujours davantage ».