Sainte-Croix: des bénévoles cherchent à améliorer les contacts entre la population et les requérants d'asile

légende / crédit photo
i
[pas de légende]

Sainte-Croix: des bénévoles cherchent à améliorer les contacts entre la population et les requérants d'asile

5 avril 2007
A Sainte-Croix, une commission « Tue-rumeur » se réunit toutes les six semaines
Elle s’inscrit dans la volonté de la Municipalité de tout mettre en oeuvre pour éviter des dérapages et faciliter la cohabitation de la population et des requérants d’asile, hébergés au Centre Fareas. Elle a pour but de dénouer les problèmes avant qu’ils n’empoisonnent la vie des uns et des autres, de couper court aux exagérations calamiteuses. C’est dans cette perspective qu’une équipe de bénévoles des paroisses catholique et protestante organise un café-contact hebdomadaire, qui encourage les gens à faire connaissance et à se parler. Le 13 avril prochain, l’équipe inaugure un vestiaire pour les requérants d’asile. Moments partagés.« Ici, le monde entier vient à moi, je n’ai pas besoin de voyager, c’est un vrai bonheur ! », témoigne Jacques, 85 ans, ancien ébéniste, fidèle bénévole du Café Contact, organisé par les Eglises protestante et catholique, qui a lieu chaque lundi matin dans les locaux du centre FAREAS de Sainte-Croix. Ce lundi matin, pour rien au monde, il ne le manquerait. Les requérants d’asile, fraîchement débarqués dans le canton et un peu perdus après avoir passé par l’un des cinq centres d’enregistrement du pays, apprécient aussi ce moment de rencontre.

Ce matin-là, la salle est pleine à craquer. Un couple de Kurdes irakiens et leurs cinq enfants, Vagar, Rayan, Doaa, Diman et Roeya, se serrent autour d’une table. Galant, un jeune Erythréen, enseignant de formation, cède sa chaise à une dame originaire du Bangladesh. Une Macédonienne, qui s’apprête à rejoindre le centre de Crissier, accroche les visiteurs et leur expose fébrilement, dans un sabir anglo-slave, la complexité de sa situation personnelle et leur propose ses services de couturière.

Dans un coin, un Congolais explique avec calme, dans un français châtié, la situation politique de son pays après des élections qu’il estime truquée. Tout le monde baragouine comme il peut. L’important n’est pas toujours de se comprendre mais de se frotter à l’humanité de l’autre, d’échanger des regards, de se sentir exister aux yeux des autres.L’apprentissage du français se fait aux forceps Nicky,- c’est ainsi que tout le monde l’appelle ici -, qui enseigne depuis sept ans des rudiments de français aux nouveaux arrivés, ne peut pas faire des miracles en deux mois, le temps que dure en général le séjour des requérants à Sainte-Croix, avant qu’ils ne rejoignent le centre qui leur est attribué. « Ici se côtoient 60 nationalités différentes, explique l’enseignante d’origine belge et rwandaise, l’apprentissage du français se fait aux forceps. J’ai des élèves de tous âges qui parlent tous des idiomes différents. Alors on travaille avec des dessins, des gestes, on rit beaucoup, on s’en sort par l’humour, qui est universel. Les leçons de français sont pour mes élèves de tous âges, à l’exception de quelques-uns, plus âgés, qui se sentent humiliés de revenir sur des bancs d’école, un moment en suspens dans leur vie faite d’attente, d’incertitude, d’angoisse, parfois de cauchemars et de démons qu’ils sont seuls à connaître ».

Juste à côté de la salle du Café-contact, on fait la queue pour entrer dans le vestiaire et y acquérir, pour quelques francs, un drap pour un lit de bébé, une paire de chaussures, une veste, un anorak, un pantalon ou encore une nappe pour égayer la table de la cuisine communautaire. On y trouve aussi des dictionnaires, en anglais, en arabe, en serbo-croate, en russe, en turc et même en tigrigna ( langue parlée en Erythrée).

Chacun doit présenter sa carte d’identité, qui leur a été délivrée en entrant en Suisse, une mesure pour empêcher les resquilleurs de revendre la marchandise par la suite au marché noir. Un jeune homme, ravi de la paire de gants qu’il a dénichée, voudrait partir sans s’acquitter de deux francs. Une bénévole lui fait comprendre qu’il se s’en tirera pas sans bourse délier. Il est visiblement contrarié.

« Pourquoi faire payer ces vêtements que vous avez récoltés ? ». Paul Schneider, médecin-chirurgien, ancien chef de l’hôpital de Sainte-Croix, ancien conseiller de la Fédération des Eglises Protestantes de Suisse (FEPS) explique : « La Fareas alloue 10 francs par jour à chaque requérant, dont 1 franc par jour pour leur habillement. C’est insuffisant pour que les migrants les plus démunis au début de leur séjour en Suisse, et de surcroît interdits de travail, puissent s’habiller et se chausser. Le vestiaire correspond à un vrai besoin. Toutefois, nous sommes dans une société qui ne fonctionne pas sur le don, dans laquelle ils devront s’intégrer. Les prix demandés sont symboliques. Nous avons acheté des stocks de chaussures et des dictionnaires que nous vendons 4 francs, remis en état et fait nettoyer les vêtements que Textura, le Centre Social Protestant et l’Armée du Salut nous ont donnés. Nous tournons grâce à un réseau de sponsors. ».

Retour au Café contact. Lise, 41 ans, mère au foyer, est heureuse de s’être engagée dans l’aventure du Café-Contact et du vestiaire. « Au dehors, on ne traite pas toujours bien les requérants. Quand on les connaît personnellement, qu’on a tissé des liens avec eux, qu’on a écouté les migrants de parler de leur vie, des drames qu’ils ont connus, on se défait de ses préjugés. Les dealers ne viennent pas au Café-Contact. Il faut rappeler encore et encore qu’ils sont une infime minorité qui fait du tort à l’ensemble des requérants. Parfois, nous devenons des amis. Nous allons les retrouver là où ils vivent, une fois qu’ils ont quitté Sainte-Croix». « On va parfois jusqu’au Tibet », ajoute en douce Paul Schneider, qui, en compagnie de sa femme, fidèle de longue date du bénévolat, a rendu visite à une paysanne mongole rencontrée à Sainte-Croix et renvoyée dans son pays.