Partisans des soins palliatifs et du droit de mourir se réclament également de la dignité, mais de quelle dignité?

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Partisans des soins palliatifs et du droit de mourir se réclament également de la dignité, mais de quelle dignité?

10 janvier 2007
Le droit de mourir ne serait-il pas un devoir de mourir dans notre société où la maladie devient une « faute de goût », quand elle n’est pas carrément, selon le mot de l’écrivain Benoîte Groult, « un délit »? Et l’euthanasie – littéralement la « bonne mort » -, serait-elle une mort par compassion, ou par intérêt, tant il est vrai que les lits manquent dans les hôpitaux et les EMS et tant les soins, palliatifs ou non, coûte cher ? Jean-François Habermacher, directeur de Cèdres Formation à Lausanne, a donné la parole à des médecins confrontés à la question de la fin de vie, au président d’Exit, à l'éthicien denis Müller et au philosophe Michel Cornu
En résulte un dossier qui présente la complexité du questionnement. A lire pour dépasser ses émotions et clarifier ses positions.

« Je ne sers plus à rien, je me sens comme une charge pour ma famille. Je coûte cher ». Ces phrases, authentiques, de patients, ont été relevées par François Rosselet, pasteur à la Fondation Rive-Neuve à Villeneuve et à l’Hôpital Riviera. « Ecouter et accueillir le patient, cela ne signifie pas forcément être d’accord », explique l’aumônier. Et de rappeler que la dignité, c’est la façon dont on se voit dans le regard de l’autre. Il souligne que la dignité devient relationnelle. « C’est en effet dans le regard de mon prochain, quand il est bienveillant, que je me vois exister et que j’apprends à me respecter moi-même comme je sens que lui me respecte ».

François Rosselet insiste sur le regard qu’on porte sur le malade. Le considère-t-on comme quelqu’un qui n’en a plus pour longtemps ou d’abord comme un être vivant ? Dans les soins palliatifs, la prise en charge de la dignité modifie l’image que le patient a de lui-même. « On voit alors comment le désir de vivre peut grandir, comment le sentiment d’abandon ou d’inutilité peut se modifier. On voit alors comment le désir de vivre peut grandir, comment le sentiment d’abandon ou d’inutilité peut se modifier. On ne peut dès lors pas se contenter d’entendre une demande de mourir sans entrer dans un processus d’accompagnement qui soit compris comme un élargissement de la perspective. La dignité, c’est la part indestructible qui est en chacun, cette identité profonde qui ne disparaît pas même avec la mort ». Le pasteur souligne bien l’ambiguïté des demandes et de la nécessité de la décoder. Sont-ce des appels à l’aide ? Ou le résultat de souffrances trop insupportables ? Il est urgent, à ses yeux, de travailler à une pédagogie de la dignité qui restitue à l’humain sa vraie stature, son caractère unique et précieux.

Cette notion de dignité, très importante dans les soins palliatifs, l’est aussi pour les partisans du suicide assisté et de l’euthanasie. Tous, détracteurs et défenseurs de l’assistance au suicide, entendent respecter la dignité de la vie. « Au fond, je me suis rendu compte que le fait d’être pour ou conte l’euthanasie passait vraiment en second : la compassion prenait le dessus, comme si pour continuer à accompagner un patient il fallait recourir à une hiérarchisation des valeurs », écrit en conclusion Anne-Sylvie Martin-Durussel, aumônier au CHUV. Cette réflexion renvoie à la question éthique essentielle : Qu’est-ce qui est le plus sacré : le principe de la vie en général ou la personne qui vit ? La question de l’euthanasie est en fait le révélateur des problèmes majeurs de notre société, qui reflète à la fois une opposition face à certains excès de la médecine, et l’angoisse de chacun face à la mort.