La spiritualité au féminin : la voix de celles qui aident à remettre les gens debout

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La spiritualité au féminin : la voix de celles qui aident à remettre les gens debout

20 avril 2005
Pasteure d’origine jurassienne, Françoise Surdez sort ces jours-ci une série de portraits de femmes à la parole singulière, dont la spiritualité intime sous-tend l’action
De ses entretiens avec des pasteures, Lytta Basset en tête, des religieuses, dont Soeur Emmanuelle, des biblistes et une prêtre de l’Eglise catholique chrétienne, elle a fait un livre qui parle clair comme ces femmes à l’écoute des autres, attentives aux harmoniques de l’âme et qui travaillent souvent à remettre les gens debout. Rencontre.Native de Porrentruy, Françoise Surdez, 41 ans, a un parcours atypique : catholique par ses parents, elle a développé sa foi dans les milieux évangéliques, a navigué, selon ses mots, « entre le baptisme le plus strict et le pentecôtisme le plus débridé », puis s’est décidée à suivre une filière théologique pour devenir pasteure. Consacrée dans l’Eglise neuchâteloise, mais peu à l’aise dans l’institution où elle a tendance à travailler en « électron libre », elle se sent attirée par l’écriture. Elle commence par publier des « Poèmes baroques », collabore au journal « Approches » des Femmes protestantes, puis écrit un recueil de nouvelles satiriques qui dérangent et qui lui vaut une véritable traversée du désert. Elle se lance alors avec une belle énergie dans cette épatante série de portraits de femmes, « Voix de femmes à l’écoute de la vie » »* qui vient de sortir de presse et rencontre des femmes qui « osent une parole forgée par la réflexion en profondeur et les remises en question ».

« J’ai choisi, explique Françoise Surdez, des femmes marquantes dans le paysage spirituel contemporain, qui ont refusé de se couler dans le moule, de correspondre à ce qu’on attendait d’elles en tant que femmes ». Des personnalités bien ancrées dans la réalité, que la vie n’a pas forcément épargnée et qui savent que l’écoute et la présence à l’autre sont les seules réponses face au vide, à la solitude affective et au désarroi actuel de la société.

Cette série d’interviews intimistes a permis à Françoise Surdez de faire échec à l’échec, de renouer avec des messages de l’ordre du bonheur, d’affermir sa propre démarche spirituelle et d’intégrer, comme elle le dit, ses fragilités et ses propres souffrances .

Le livre s’ouvre sur Lytta Basset et sa « joie imprenable d’être pasteure », sur sa définition de la vocation, comprise comme « le désir de Dieu qui rencontre mon propre désir ». En écho, le bonheur de Denise Wyss, première femme à avoir été ordonnée prêtre dans l’Eglise catholique chrétienne, et qui peut en toute liberté dire des prières liturgiques de son crû, en prise directe avec les préoccupations des gens d’aujourd’hui. Dominique Roulin, qui a porté à bout de bras le ministère Sida de l’Eglise protestante de Genève, évoque, pour sa part, sa perpétuelle confrontation à l’impuissance, à la maladie, à la souffrance, à la déchéance et à la mort dans son travail. Elle explique la théologie qu’elle a développée qui se situe « entre l’impuissance de Dieu qui ne répond pas à Jésus quand il lui dit Eloigne de moi cette coupe », et le tombeau vide, qui témoigne que la mort est vaincue ».

Sœur Minke évoque de son côté le cheminement intérieur qui aboutit à cette simplicité de vie fondée sur la confiance, l’esprit de réconciliation qui anime la communauté œcuménique de Grandchamp à Neuchâtel. Sœur Emmanuelle, qui s’avoue révoltée de naissance, parle de la misère de l’homme et ses fulgurances lumineuses, de sa grandeur incroyable en dépit de ses ombres, « parce qu’il est fils de Dieu ». De ce Dieu qui lui parle, à elle, non par portable interposé, mais quand elle fait véritablement silence en elle. Elle parle de son attachement à ce qui ne meurt pas, à l’amour gratuit, profond, « plus fort que la mort ». Et s’exclame en conclusion : « Oh c’est bon de vivre ! Vivre voyez-vous, ce n’est pas vivoter. Vivoter, c’est faire un cercle, être au milieu et s’occuper de son nombril. C’est macabre quand soi-même est au milieu. Une fois qu’on a brisé le cercle, on vit avec l’autre pour être heureux ensemble… » .

Ces voix de femmes ancrées dans la réalité, qui rejettent la loi du plus fort et cherchent à être fortes en humanité, revendiquent le droit de se tromper et inventent de nouvelles manières de « penser » Dieu, sont autant d’invitations à une réflexion spirituelle originale, en prise directe avec la « vraie vie ».

* Françoise Surdez, Voix de femmes, à l’écoute de la vie, éd. Cabédita à Yens-sur-Morges, avril 2005.