Le Dieu créole, réappropriation d’une mémoire blessée
7 avril 2005
L’aumônerie de l’Université de Genève vient de débuter un cycle de rencontres consacré à la perception du divin dans les Caraïbes, qui mélange polythéisme, syncrétisme et pratiques magiques
Mercredi dernier s’est déroulé la première d’une série de 5 soirées organisées par l’aumônerie protestante de l’Université de Genève. Son thème ? « Dieu aux Caraïbes, mémoire blessée – paroles offertes ». Pour étonnant qu’il paraisse, le choix de ce thème ne surprendra pas ceux qui connaissent le parcours de Philippe Chanson, aumônier de la Haute Ecole depuis 8 ans. « De 1987 à 1994, j’ai enseigné la théologie aux Caraïbes. Cette période fut pour moi un choc culturel et théologique que j’ai eu envie d’approfondir et de mieux comprendre à mon retour en Suisse ». 700 contes et proverbes parlant de DieuAux Caraïbes, la religiosité est fortement teintée de pratiques mystiques, dont le vaudou haïtien est l’exemple le plus célèbre. C’est, rappelle l’aumônier, la conséquence de la « mémoire blessée » de peuples réduits à l’esclavage, dépouillé de leurs traditions et de leur histoire. Rapidement, Philippe Chanson se rend compte de la nécessité de passer par l’anthropologie pour comprendre, ou en tout cas entendre, la manière dont le peuple créole et la culture métis a créé son propre rapport au sacré, en réintroduisant des croyances ancestrales au milieu du christianisme imposé. « En rester à des catégories théologiques rendait toute approche inopérante ». Petit à petit, Philippe Chanson réunit un impressionnant matériau ethnologique dans toutes les îles des Caraïbes. « Il y en 66, et je les ai pratiquement toutes parcourues pour dénicher près de 700 contes et proverbes parlant de Dieu ».Un miroir pour nos propres croyancesCe cycle de rencontres, le premier du genre, aborde à travers cinq perspectives différentes cet étonnant mélange de mémoire esclavagiste, de Dieu colonial et de théodicée africaine. « Le but du parcours n’est pas de cerner le Dieu créole, qui est d’ailleurs pluriel. Cela n’y suffirait pas, mais de se rendre compte de la complexité de ce que cette notion représente dans cette région du monde. Avec, en miroir, un questionnement sur ce que cela peut apporter à notre propre rapport à la foi ».
Ou comment partir d’un autre terreau spirituel pour s’interroger sur le nôtre. « Ainsi, il me paraît intéressant de s’arrêter sur la notion de péché. Là-bas, notre conception est inopérante parce que pendant longtemps, le mal représentait ce qui nuisait aux colons blancs ». Autre aspect, celui d’un « christianisme magique », où le catéchisme officiel se teinte d’animisme, de polythéisme et de culte des ancêtres. « Et nous, n’avons-nous pas, parfois, l’image d’un Dieu magique ? Le Créole recherche avant tout la protection sur lui et sa famille. Pour l’obtenir, il peut parfaitement consulter à la fois un prêtre et un « gadézafé », littéralement « celui qui va voir dans les affaires des gens ». « Qu’en est-il de la tendance occidentale contemporaine au melting-pot religieux ? Quelle différence entre le polythéisme créole et notre culte des saints ?», s’interroge encore Philippe Chanson. Avouant lui-même ignorer si cette perspective interpellera le public universitaire du bout du lac, il espère au moins stimuler les curiosités, parce qu’une « autre approche de Dieu ne peut qu’être féconde pour la nôtre ».UTILE
Le cycle de rencontres « Dieu aux Caraïbes » se poursuit les 13, 20, 27 avril et 11 mai, à 20h30, à la salle de cours B012 de la faculté de théologie, rez-de-chaussée d’Uni Bastions.
Ou comment partir d’un autre terreau spirituel pour s’interroger sur le nôtre. « Ainsi, il me paraît intéressant de s’arrêter sur la notion de péché. Là-bas, notre conception est inopérante parce que pendant longtemps, le mal représentait ce qui nuisait aux colons blancs ». Autre aspect, celui d’un « christianisme magique », où le catéchisme officiel se teinte d’animisme, de polythéisme et de culte des ancêtres. « Et nous, n’avons-nous pas, parfois, l’image d’un Dieu magique ? Le Créole recherche avant tout la protection sur lui et sa famille. Pour l’obtenir, il peut parfaitement consulter à la fois un prêtre et un « gadézafé », littéralement « celui qui va voir dans les affaires des gens ». « Qu’en est-il de la tendance occidentale contemporaine au melting-pot religieux ? Quelle différence entre le polythéisme créole et notre culte des saints ?», s’interroge encore Philippe Chanson. Avouant lui-même ignorer si cette perspective interpellera le public universitaire du bout du lac, il espère au moins stimuler les curiosités, parce qu’une « autre approche de Dieu ne peut qu’être féconde pour la nôtre ».UTILE
Le cycle de rencontres « Dieu aux Caraïbes » se poursuit les 13, 20, 27 avril et 11 mai, à 20h30, à la salle de cours B012 de la faculté de théologie, rez-de-chaussée d’Uni Bastions.