En Russie, le pacte entre l'État et l'Église orthodoxe

En Russie, le pacte entre l'État et l'Église orthodoxe / ©RTSreligion
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En Russie, le pacte entre l'État et l'Église orthodoxe
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En Russie, le pacte entre l'État et l'Église orthodoxe

Camille Besse
27 février 2023
A la tête de l’église orthodoxe de Russie, le patriarche Cyrille soutient la guerre contre l’Ukraine déclenchée par Vladimir Poutine. Une position qui étonne en Occident et le résultat d’une alliance née bien avant le conflit.

Une guerre «sainte» et des soldats russes, morts au combat, désignés comme «martyrs»... Depuis le début de la guerre, le 24 février 2022, les mots du patriarche Cyrille sanctifient le conflit. Ses discours font d’ailleurs écho à ceux du président Vladimir Poutine, lui-même «en croisade» contre l’influence du monde occidental. Mais comment est né ce pacte entre Église et État?

Pour le comprendre, il faut remonter le cours de l’histoire géopolitique. Du temps de l’Union soviétique, idéologies orthodoxe et communiste ne font pas bon ménage. Pourchassées, les églises nouent de dangereuses liaisons avec le gouvernement. En échange de leur loyauté, l’État cesse de les persécuter.

Prêtres, espions et commerçants

Durant ces heures sombres pour l’église, certains religieux n’hésitent pas à endosser l’habit d’espions, par exemple, au service du tout-puissant service de renseignement, le KGB.

En 1991, l’URSS se disloque, mais les relations continuent de prospérer. Face à un État proche de la faillite, les églises se muent en négociants commerciaux. Le vin et le pétrole contribuent à leur enrichissement. L’alliance entre les deux pouvoirs devient ainsi lucrative. Et puis l’église orthodoxe russe reste présente sur tout le territoire de l’ancienne Union soviétique, par exemple, en Biélorussie et en Ukraine.

Lorsque Vladimir Poutine succède à Boris Eltsine, en 2000, il fait de l’orthodoxie un pilier de son «monde russe», qu’il rêve de reconstruire.  Sous sa présidence, les tensions politiques entre la Russie et l’Ukraine, indépendante depuis 1992, s’accroissent.

Naissance de l’église nationale ukrainienne

Dans ce contexte conflictuel, l’église orthodoxe ukrainienne, majoritairement fidèle au patriarcat de Moscou, prend peu à peu ses distances. La guerre du Donbass, qui éclate en 2014 et oppose déjà la Russie et l’Ukraine, crée une première scission.

Lassées notamment de voir leur chef spirituel bénir les armes qui les attaquent, certaines églises se regroupent. L’église ukrainienne autocéphale (autonome) est créée en 2019. Lorsque la Russie envahit l’Ukraine, de nombreuses églises sont encore fidèles à Cyrille, le patriarche de Moscou. La rhétorique belliqueuse du chef spirituel, en faveur de la guerre, les pousse toutefois elles aussi à s’en distancier.

Théologie de la guerre et orthodoxie

Cette nouvelle «théologie de la guerre», employée par Cyrille, fait aussi réagir le monde orthodoxe. A la tête du patriarcat de Constantinople, Bartholomée a vivement critiqué la position de son homologue russe. Il qualifie, lui, la guerre de «diabolique».

Les églises orthodoxes sont en effet indépendantes sur le plan organisationnel. Si le monde orthodoxe est une constellation d’églises autonomes, celles-ci restent toutefois liées sur le plan dogmatique. Le discours adopté par le patriarche Cyrille questionne donc en profondeur les différentes instances religieuses.