Tourisme durable: comment le pratiquer en Suisse?

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Tourisme durable: comment le pratiquer en Suisse?

Marketing
Et si cet été inédit rimait avec durabilité? Pour la première fois depuis des décennies, c’est au sein de leurs frontières que nombre de Suisses passeront leurs vacances. Faut-il les rendre plus responsables? Si oui, à quel prix? Enquête.

Tourisme vert, durable, ou écologique: depuis des décennies, ces concepts sont entrés dans le langage commun. Ils recouvrent en réalité des pratiques très disparates (voir les définitions). Mais tous sont en croissance, y compris sur notre territoire. En Suisse, que recouvre exactement cette notion? «Pour le moment, il n’existe pas (encore) de chiffres officiels en Suisse», reconnaît Barbara Gisi, directrice de la Fédération suisse du tourisme (FST). Si en 2009, l’industrie suisse a établi sa Charte de la durabilité et que le tourisme durable fait partie de ses huit priorités stratégiques, des statistiques fiables ne sont pas près d’exister: «tourisme durable, vert: tous ces termes sont du marketing, voilà tout. Le tourisme, c’est du business et de l’économie. La réalité, c’est qu’il est aussi impossible de cerner la durabilité dans sa globalité que le tourisme culturel», cadre Ralph Lugon, professeur à l’institut de tourisme de la HES-SO Valais Wallis et chargé des cours sur le tourisme durable.

Paradoxes

Le chercheur replace ces termes dans leur contexte de naissance. Le tourisme durable? «Un terme inventé par les instances onusiennes en 1992, au moment du Sommet de la Terre de Rio, pour vendre l’idée de protection de la nature», explique Ralph Lugon. Une belle idée, qui a permis le développement économique de nombreuses régions du monde... Ainsi que des compagnies aériennes, qui ont multiplié les possibilités de voyages et donc les impacts écologiques. L’écotourisme? «Un concept anglo-saxon, né au milieu des années 1980, à destination des pays, notamment en développement, pour qui l’observation des animaux ou l’immersion dans la nature est ressource touristique.»

Gestion de flux

Barbara Gisi parle d’ailleurs de la nature protégée dans notre pays comme d’une «USP, unique selling proposition»: un argument marketing qui permet de se différencier d’autres destinations. Paradoxe: peut-on vendre un patrimoine naturel comme destination touristique? Le débat n’a rien de neuf. Les Etats-Unis ont inventé le concept de parc national (le concept est défini en 1832 dans un article du New York Times, le premier parc national est, en 1872, celui de Yellows-tone, NDLR). Aujourd’hui, celui du Grand Canyon accueille 4 millions de visiteurs par an. «Le tourisme de nature peut donc aussi être du tourisme de masse: durable ou pas? On peut en débattre », ouvre Ralph Lugon. A ce stade, estime le chercheur, «on est dans la gestion des flux: il faut un centre d’accueil qui puisse accueillir 4000 visiteurs par heure, des endroits qui se visitent spécifiquement avec des entreprises autorisées. Et, en contrepartie, le reste du parc est protégé.»

Surtourisme

Malgré sa cherté, et n’en déplaise aux acteurs de la branche touristique qui mettent en avant – à juste titre – sa durabilité dans plusieurs secteurs, la Suisse n’est pas totalement épargnée par ce tourisme «de masse». Hors Covid, le surtourisme s’observe dans des zones urbaines, «notamment à Lucerne», estime Ralph Lugon. Depuis la fin de la pandémie, nombre de marcheurs ont foulé des sentiers embouteillés, par exemple au lac de Taney (Valais). Sans compter certaines stations qui, pour survivre économiquement, multiplient les offres touristiques (ski, vélo, trail...) au point d’attirer des sportifs réguliers dans des zones toujours plus reculées, pouvant perturber la faune locale.

Main d'œuvre mal connue

Pour Ralph Lugon, «il faut être réaliste: en tant qu’activité économique, le tourisme a de toute manière un impact négatif.» Etre un touriste durable, c’est donc chercher à comprendre et limiter son empreinte écologique, «mais auss à respecter l’économie locale», pointe le professeur, qui rappelle que le tourisme suisse «vit beaucoup d’employés venus de l’étranger: une force de travail précaire, sur qui très peu d’études existent, mais souvent mal logée et peu connue.» Comment faire pour ne pas encourager les inégalités? Dans la jungle des labels, difficile de s’y retrouver. «Compte tenu de la nature extrêmement diversifiée des prestations touristiques, un label ‹général› pour le tourisme durable ne pourrait avoir qu’une valeur d’orientation pour la clientèle, mais pas de certification, celle-ci étant placée sous la responsabilité d’associations faîtières ou d’organismes spécifiques selon les activités concernées», explique Véronique Kanell chez Suisse Tourisme. Goût mieux ou La Fourchette verte émergent pour l’alimentation, Green living, Sustainable hostels et Ibexfairstay sont fréquemment cités, pour les hébergements. Mais tous les acteurs durables ne les sollicitent pas systématiquement. Pourquoi? «Il n’est pas porteur pour eux. Ainsi, à Nax, le Maya boutique-hôtel construit en paille, qui offre des séjours de bien-être et écologiques, s’est fait connaître par le crowd-funding. Ces entreprises spécialisées s’en sortent seules pour leur promotion... et finalement entraînent avec elles toute une région», remarque Ralph Lugon. 

Glissement vert

Les experts du secteur insistent sur les modes de transport doux, le pays comptant un réseau inédit, par sa densité, de mobilité douce en Europe. A noter que le Grand tour suisse en voiture (1600 kilomètres) est entièrement couvert de bornes de recharge électriques. Agrotourisme (voir page suivante) et consommation locale constituent un autre axe fort. La durabilité? «Utiliser autant que possible les transports publics, profiter des produits régionaux, se comporter de manière écologique, par exemple éviter le gaspillage d’eau et d’énergie», résume Barbara Gisi. Ensuite, à chacun de placer le curseur où il le peut, et où il le veut.

En tant qu’activité économique, le tourisme a de toute manière un impact négatif.

«Je travaille à l’Observatoire valaisan du tourisme, les tendances qu’on observe en Suisse, c’est qu’après une période d’angoisse, les gens ont en-vie de se poser deux semaines, de passer des vacances dans la nature, de retrouver leurs racines. On voit les réservations reprendre. Certains choisiront de petits chalets rustiques, d’autres des demeures de grand luxe très restaurées avec un spa! Les deux sont en tout cas des objets très recherchés», note Ralph Lugon. En parallèle, l’industrie, durement touchée par la pandémie, poursuit, elle, son «glissement vert». «On peut déjà observer qu’à la suite de la crise, les crédits évoqués ou les fonds de soutien accordés sont liés à des conditions durables», souligne Barbara Gisi. Ce qui était un concept marketing se transforme peu à peu en un nouveau standard. 

Repères 

Le tourisme durable «tient pleinement compte de ses impacts économiques, sociaux et environnementaux actuels et futurs, en répondant aux besoins des visiteurs, des professionnels, de l’environnement et des communautés d’accueil». Source: Organisation mondiale du tourisme (OMT).

Forme du tourisme durable, l’écotourisme, ou tourisme vert, défini au milieu des années 1980 consiste à centrer son voyage sur la découverte de la nature (écosystèmes, mais aussi agrosystèmes et tourisme rural). 

Conseils 

Calculer l’impact carbone de ses trajets: www.routerank.com

Se déplacer à pied, en vélo, en rollers ou en canoë: www.schweizmobil.ch

Manger local chez des vignerons ou des paysans: www.swisstavolata.ch

Compenser son impact carbone en voyage : www.causewecare.ch

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