«SEP Talks»: des discussions ouvertes pour la première fois

Réfléchir ensemble à une meilleure organisation de l’aide, dans le respect des valeurs humanitaires, est l’objet des SEP Talks organisés entre mars et mai. Ici, le 3 avril, à Genève, discussion autour des défis que connaît la Fondation Terre des hommes Lausanne. / © SEP Talks
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Réfléchir ensemble à une meilleure organisation de l’aide, dans le respect des valeurs humanitaires, est l’objet des SEP Talks organisés entre mars et mai. Ici, le 3 avril, à Genève, discussion autour des défis que connaît la Fondation Terre des hommes Lausanne.
© SEP Talks

«SEP Talks»: des discussions ouvertes pour la première fois

Cataclysme
A Genève, une série de huit soirées informelles réunit des acteurs de tous les horizons de l’humanitaire. Abasourdis par l’ampleur des bouleversements, mais porteurs de propositions et d’innovations.

Premier étage d’un centre commercial genevois. Alors que les magasins se vident peu à peu en cette fin de journée, le showroom immaculé de SEP Jordan – entreprise sociale qui commercialise des vêtements produits par des réfugiées –, lui, se remplit. Une quarantaine de personnes sont venues écouter Barbara Hintermann, directrice exécutive de Terre des hommes, ONG basée à Lausanne qui emploie 2300 personnes, principalement recrutées sur les terrains d’opérations, et accompagne 5 millions de bénéficiaires, en majorité des enfants. Elle raconte la conséquence de la suppression de l’aide internationale américaine pour son organisation: budget réduit de 10% du jour au lendemain, 1,5 million d’enfants et adolescents touchés, 440 membres de l’équipe qu’il a fallu licencier, les restructurations et les choix difficiles à opérer pour «identifier les plus vulnérables parmi les plus vulnérables».

Changement de paradigme

La dirigeante n’est pas la première à s’exprimer dans ce contexte. Avant elle, quatre intervenants ont déjà ouvertement présenté les défis auxquels ils font face, dont Pascal Hufschmid, directeur du Musée international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. Et comme eux, dans ce cadre informel, Barbara Hintermann parle très franchement – bien que les conversations soient filmées et disponibles en ligne. En opposition directe avec les choix de l’actuelle administration américaine, elle affirme tout de go: «On va tenir nos valeurs. Effectuer des compromis sur la diversité et l’inclusion n’est pas une option pour nous.» 

Pour autant, sa présentation n’élude pas non plus le changement de paradigme qui s’ouvre avec la fin de l’aide américaine. La directrice pointe les transformations qu’elle estime urgentes: «Les audits permanents auxquels sont soumises les organisations humanitaires prennent un temps fou. Il faudrait discuter avec les gouvernements, essayer de réduire la bureaucratie…» Autre piste: créer une coopérative, sorte de «hub» pour mutualiser les fonctions RH ou logistiques de différentes structures. «Nous avons ouvert de premières conversations dans ce domaine…» révèle Barbara Hintermann. Qui rappelle cependant que le plus grand défi est financier.

Réunir les acteurs de la philanthropie

Ce point sensible fait bien sûr réagir l’assistance. «On s’imagine que les fondations vont pouvoir prendre le relais d’Usaid. C’est une jolie croyance, mais pour avoir travaillé dans le secteur philanthropique, j’ai quelques doutes!» témoigne une participante. «Les fondations ont des critères tout aussi complexes et leurs financements ne seront jamais au niveau de l’aide institutionnelle… Mais, surtout, elles n’agissent pas de concert. Il faudrait les forcer à se réunir autour des grands enjeux…» «Excellente proposition!» rétorque Barbara Hintermann. 

Au cours de la soirée, d’autres pistes émergeront de la sorte. Et nombreux seront les participants à rester échanger ensuite. «C’est la première fois que l’on vit des discussions aussi ouvertes. Au fond, dans les décisions de l’administration américaine, je sais qu’il y a toujours une raison solide», témoigne une femme qui a souhaité garder l’anonymat. «Je suis dans l’humanitaire depuis longtemps. On parle de se réformer depuis des années, mais comme dans le milieu ecclésial, notre vocation est tellement forte qu’on n’ose pas critiquer nos institutions. Mais moi, mon rôle est d’inciter les gens à donner… Et je m’interroge beaucoup. Au-delà de l’idéalisme, est-ce qu’on fait les choses bien?» Une interrogation comme un fil rouge pour ces SEP Talks qui témoignent d’une aspiration profonde des acteurs de l’humanitaire: repenser ensemble les fondements mêmes de leur métier.

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Les actus de SEP, en anglais.