«On ne peut pas salarier la vie»

Ina Praetorius / © Katja Nideröst
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Ina Praetorius
© Katja Nideröst

«On ne peut pas salarier la vie»

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Le soin peut-il être à la base de notre système économique? Pour Ina Praetorius, théologienne protestante et co-fondatrice d’une ONG popularisant une culture du care, ce concept ouvre un horizon sociétal plus égalitaire.

Le care doit être reconsidéré. Mais comment faire? En effet, ce concept comporte une ambiguïté fondamentale: il inclut des activités déjà rémunérées (nettoyage, prise en charge professionnelle des enfants), mais mal, et d’autres effectuées gratuitement, qu’elles soient considérées comme «naturelles» (sic) ou relevant tout simplement de la responsabilité individuelle (travail domestique, charges parentales, rôle de proche aidant·e). Pourtant, ces fonctions sont tout aussi essentielles au fonctionnement de notre société. Faut-il alors mieux valoriser certains métiers? Rémunérer chaque tâche de care, jusqu’au fait de donner le biberon à son enfant? «Non! Valoriser, oui, mais pas ainsi», rétorque la théologienne protestante saint-galloise Ina Praetorius. «On ne peut pas salarier la vie!»

Echapper à la loi du marché

Cette militante réfléchit depuis des années à ce dilemme. Elle a fondé en 2015 l’ONG Wirtschaft ist care («L’économie, c’est le care», www.wirtschaft-ist-care. org) pour faire avancer le débat public. Son cheval de bataille? Intégrer le travail non rémunéré dans le calcul du produit intérieur brut, indicateur clé. Elle ferraille régulièrement avec des économistes à ce sujet. Sa conclusion est la suivante: puisque l’économie ne considère comme du «travail» que ce qui est monétisé, il faudrait pouvoir salarier toutes ces tâches invisibles. Mais sans pour autant les soumettre à la concurrence. La solution? Etablir un revenu de base inconditionnel (RBI), qui permettrait de «décorréler les tâches existentielles de base de la notion de salaire: il faut pouvoir garantir l’existence des gens, quelle que soit l’importance de leur activité professionnelle. Le RBI Le soin peut-il être à la base de notre système économique? Pour Ina Praetorius, théologienne protestante et co-fondatrice d’une ONG popularisant une culture du care, ce concept ouvre un horizon sociétal plus égalitaire. rend possible de rémunérer ces tâches de care. Et n’exclut pas un emploi salarié en sus.» 

Argument théologique

Pour Ina Praetorius, le RBI se défend jusque sur le plan théologique: «Si l’on prend le commandement biblique qui explique que le travail et le repos sont faits pour l’humain (Marc 2:27), cela implique clairement que c’est la vie humaine et les humains qui sont au centre de l’économie. Cette logique est au cœur du RBI.»

Impasse concrète

Défendre aujourd’hui le RBI, reconnaît la théologienne, conduit à une aporie [difficulté logique insoluble, NDLR]. Il impose en effet un changement «écosystémique» tel qu’il devrait, en raison de la mondialisation des échanges, être mené de manière cohérente dans l’ensemble des économies mondiales. Il est donc «impossible à mettre en place à court terme».

Une économie prenant en compte le care ne serait-elle donc finalement qu’une utopie? «Je suis ancrée dans la philosophie kantienne, qui me dit que je dois avoir des idées régulatrices. Il m’est égal qu’elles soient réalisables de mon vivant ou non», rétorque la théologienne. «Ce qui compte, c’est leur sérieux et leur globalité: je ne peux pas me contenter de penser ‹pour la Suisse› ou ‹pour les personnes qui ont les moyens›. Si j’élabore une pensée, elle doit intégrer tous les habitant·e·s de cette planète, y compris leurs droits fondamentaux, qui sont nos repères démocratiques.»

Visite guidée

À Sursee (Lucerne), de mai à septembre 2021, Ina Praetorius et une équipe œcuménique ont conçu un parcours pour ouvrir les yeux sur la centralité du travail de care dans nos quotidiens. Un projet du synode des femmes suspendu pour cause de pandémie (www.frauensynode2021.ch).

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