À la hauteur du sacrifice ukrainien

Camille Andres / © Max Idje
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Camille Andres
© Max Idje

À la hauteur du sacrifice ukrainien

Editorial
Si vous ne deviez lire qu’une page de ce numéro, ne manquez pas les mots des rescapés de Boutcha, que notre correspondante Sophie Woeldgen a rencontrés. Ils n’auraient jamais cru possible une telle barbarie.

Après eux, Marioupol. A quel moment l’impossible devient-il possible? A quel moment une démocratie bascule-t-elle en une dictature qui élimine froidement des civils? Pour la Russie de Vladimir Poutine, cette transformation douce vers la radicalité a eu lieu sur plus de vingt ans, au cours desquels le maître du Kremlin a progressivement installé son pouvoir. Elimination physique des opposants, presse muselée, prolongation du pouvoir présidentiel, discours militaristes et violents, réécriture de l’Histoire, mise au pas des institutions, notamment religieuses… Et surtout, construction pas à pas d’une culture de la violence. Violence au sein de l’armée, violence envers les opposants au régime, violence envers l’Occident accusé d’«humilier» son voisin russe. Le tout dans une société déjà brutalisée par des décennies de régime soviétique. Ce sont toutes ces haines accumulées qui ont déferlé sur les victimes de Boutcha.

Pour contenir, prévenir, éviter la construction de ces haines irrationnelles, il existe un remède. Loin d’être un miracle. C’est un espace public construit sur la nuance, l’écoute, le sens du compromis, la représentativité, la compréhension de l’autre, de sa culture, le respect des droits et des libertés individuelles, la justice. C’est la démocratie. Nos démocraties sont pourtant menacées par l’autoritarisme. Les défendre demande un engagement citoyen permanent. Un engagement qu’il faudra désormais, en Europe, mesurer à la hauteur du sacrifice ukrainien.