Un catéchisme pour une société de zapping

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Un catéchisme pour une société de zapping

13 novembre 2000
Aumônier dans les écoles secondaires supérieures vaudoises puis à l'Université de Lausanne, le pasteur Virgile Rochat connaît bien les attentes des adolescents vis-à-vis de la religion
Auteur en 1994 d'un ouvrage sur la crise des Eglises, "Les absents ont-ils toujours tort?", il s'inquiète de les voir perdre le contact avec les jeunes générations.

§Quelle image les jeunes que vous côtoyez ont-ils gardé de leur catéchisme?Ils se rappellent très peu du contenu. Ils se souviennent avant tout des activités qui sortent de l'ordinaire, camps de vacances, week-ends, voyages, des expériences de vie en commun qu'elles procurent.N'est-ce pas problématique de donner le catéchisme au moment de l'adolescence?Oui. J'ai constaté que jusqu'à 12 ans, les jeunes sont vivement intéressés par les sujets religieux et participent avec plaisir à ce qui leur est proposé. Mais ensuite, les efforts liés à la scolarité, les bouleversements de l'adolescence les rendent peu réceptifs. Ils entrent dans une phase de construction de leur personnalité souvent en opposition aux institutions en place. L'Eglise n'y échappe donc pas. Il ne sert donc à rien de les contraindre à suivre du catéchisme contre leur gré, cela va même à fins contraires. Il vaudrait mieux leur offrir un catéchisme à la carte, destinés aux seuls volontaires, qui donne envie de participer. C'est pourquoi je proposerai un tronc commun pour tous jusqu'à l'âge de 12 ans, suivi d'éléments optionnels cumulables jusqu'à 16 ans, qu'il faudrait avoir suivi pour demander la confirmation.

§L'Eglise n'a-t-elle pas aussi un problème d'image?L'image que donnent les célébrations traditionnelles est loin d'être engageante pour les jeunes. La musique, le ton, l'esthétique sont d'un autre âge, ou tout du moins d'un niveau d'accès trop élevé pour la plupart. Il se découragent. On est dans une société de zapping, c'est vrai aussi pour le religieux, il faut donner envie de rester à l'écoute.

§Les erreurs jalonnant l'histoire christianisme expliqueraient-elles aussi les réticences des jeunes vis-à-vis de la religion chrétienne ? C'est vrai. L'Inquisition, les Croisades, les coups portés aux cultures indigènes fonctionnent comme repoussoir. J'ai même entendu des jeunes me dire qu'ils haïssaient le christianisme à cause de cela. Mais comme dit le proverbe, "quand on veut tuer son chien, on dit qu'il a la rage". Ces réalités sont des erreurs, elles doivent être confessées comme des péchés. Il faut veiller à ne plus les reproduire. Mais elles ne doivent pas cacher le génie de l'Evangile, à savoir qu'il contient des valeurs et des promesses superbes plus que jamais indispensables à notre monde moderne, le respect, le partage, la fraternité, le pardon, valeurs qui sont d'ailleurs souhaitées par des milliers et des milliers de nos contemporains.

§Reste la difficile question d'éveiller chez les jeunes un intérêt pour la religionJe crois que les jeunes, tout comme les adultes, attendent un bénéfice de la croyance. Personne ne croit pour le simple plaisir de croire, mais dans l'espoir d'un résultat concret.

§Mais dans nos sociétés d'abondance où l'on bénéficie d'une bonne protection sociale, que reste-t-il à attendre de la religion?Je donnerai une réponse à votre question en prenant l'exemple de Martin Luther. Dans sa quête : "Où trouverais-je un Dieu qui me soit favorable ?", Luther exprimait mystérieusement une attente générale de son époque de changements. Sa réponse, "le juste vivra par la foi" , a changé la face du monde. A l'instar de Luther, je crois qu'il est devenu nécessaire aujourd'hui de retrouver la question essentielle de notre temps. Car l'aisance matérielle n'a pas étanché notre soif spirituelle. On est en perpétuel recherche, on s'agite, on court, on se dépasse, on se tue à l'ouvrage, comme si nous n'arrivions pas à nous accepter tels que nous sommes. La question essentielle d'aujourd'hui pourrait donc être: "Où trouverais-je un "moi " qui me soit favorable ?", "Ou trouverai-je la paix intérieure?" Et la réponse: " Tu es aimé. De toute éternité, ton existence à un sens profond, cherche-le, tu vas le découvrir". Alors l'Eglise pourrait retrouver une place dans la culture contemporaine. Elle retrouverait une identité, des objectifs et un sens, car ce ne sont ni les besoins, ni les questions qui manquent.

§Propos recueillis par Jacques-Olivier Pidoux