L'Eglise doit quitter ses quatre murs:Un pasteur zurichois lance un décapant débat d'idées

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L'Eglise doit quitter ses quatre murs:Un pasteur zurichois lance un décapant débat d'idées

30 janvier 2004
Les Eglises réformées doivent quitter leurs quatre murs et rejoindre les gens là où ils sont
Les responsables ecclésiaux savent que les changements deviennent urgents, mais les réformes peinent à se concrétiser. Hans Strub, pasteur zurichois, chef de projet pour la réforme des Eglises de Suisse alémanique, livre ses réflexions. Echos d’une conférence organisée au Centre de Sornetan par reformAction, processus de renouvellement des Eglises réformées Berne-Jura.Le changement est à la mode, la réforme est dans toutes les bouches. Mais la rénovation fait peur et suscite des résistances. Hans Strub pose un diagnostique: «Les responsables admettent qu’il faut s’adapter aux besoins des contemporains, mais personne ne sait comment.» Selon lui, les personnes les plus engagées sont aussi les plus sceptiques; les pasteurs, les collaborateurs et les Conseils de paroisse sont souvent très pessimistes quant à l’avenir de leur institution. «On préfère attendre ! », regrette le théologien zurichois. Et le débat d’idées, sans cesse renvoyé, manque cruellement.Une Eglise «out-door»L’enjeu est pourtant décisif. Il s’agit de préciser la mission spécifique de la communauté chrétienne aujourd’hui. Hans Strub propose un critère: l’Eglise, à l’image du Christ, doit se constituer en «système ouvert». Ouvert sur les cultures, la société et pourquoi pas les autres traditions religieuses. Les influences de l’époque doivent marquer son action. Il faut donc quitter le confort des bâtiments paroissiaux et se risquer dehors, rejoindre les gens dans leur vie concrète plutôt que de vouloir les attirer dans le cadre ecclésial. «C’est fou ce qu’on invite, on prépare, on accueille dans nos paroisses…», ironise Hans Strub. Au contraire, l’Eglise devrait sortir pour apparaître sur la place publique, quitte à démultiplier les formes de présence: «Notre Dieu est le Dieu de tout le monde, il nous faut comprendre qu’on ne se perd pas quand on se disperse dans le monde.»

C’est ce qu’a osé faire l’apôtre Paul. Pour définir son action, l’Eglise chrétienne oscille toujours entre Dieu et le monde, entre l’intimité de la communauté et les exigences de la solidarité avec tous les êtres humains. La réalité des paroisses est bien différente. Quand elles se sentent diminuer, la tentation du repli devient irrésistible: «En se ramassant sur elles-mêmes, les communautés bouchent les trous qui permettent d’entrer». De là à imaginer qu’on y respire mal…Des centres d’urgenceHans Strub en est persuadé, les Eglises ont des compétences à offrir à la société actuelle. En abandonnant la quiétude des bâtiments et des petits cercles, elles peuvent véritablement susciter l’intérêt. L’exemple de l’aumônerie en situation de catastrophe est parlant. En collaboration avec la police, des pasteurs ont accepté de se former pour intervenir dans les situations d’urgence: accidents, tentatives de suicide, conflits familiaux ou catastrophes. Les ministres assurent une permanence au même titre que les services médicaux. Cette nouvelle forme d’engagement est unanimement reconnue. «On les verra bientôt sur le terrain avec des vestes marquées ‘aumônier’ », imagine celui qui est aussi responsable de la formation des futurs pasteurs.

Les structures paroissiales pourraient donc s’inspirer de ce qui fonctionne dans d’autres domaines. A l’image de la Rega, les acteurs ecclésiaux pourraient être rassemblés dans des centres régionaux, prêts à intervenir auprès des gens en fonction de leurs besoins et, si nécessaire, en quelques minutes seulement.

Hans Strub donne encore un exemple: en Suisse, chaque année, le nombre des interventions de police qui concernent la violence conjugale est aussi important que l’ensemble des services funèbres célébrés par les Eglises catholique et protestante réunies. «Combien de temps accordons-nous au problème de la violence?», interroge-t-il. A son avis, les communautés chrétiennes ont une responsabilité dans ce domaine qu’elles n’assument pas vraiment. «L’Eglise peut vraiment offrir le «healing» («to heal» avec le sens de guérir – cicatriser - apaiser: n.d.l.r.) des structures visibles et invisibles de la société, à l’image des premiers apôtres qui intervenaient autant pour guérir que pour prêcher.»Accepter les changementsUne condition reste incontournable: il faut accepter les changements, affronter la réalité avec lucidité. A l’adresse des différentes Eglises, Hans Strub propose une série de slogans en forme de pari: les Eglises pourraient perdre du pouvoir pour gagner de la force, perdre de l’influence pour gagner du poids, perdre des biens pour gagner de la présence. En conclusion, le théologien lance ce défi: quitter les difficultés d’une «Eglise freinée» pour découvrir les plaisirs et les chances d’une «Eglise libérée».