Mythes religieux: Entre la Création et les hommes, un destin solidaire

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Mythes religieux: Entre la Création et les hommes, un destin solidaire

12 février 2004
Est-il encore possible de croire à une Création du monde par un Dieu ? S’embarquer dans le débat, comme le font les auteurs de l’ouvrage collectif « La création du monde », c’est reconsidérer les mythes et surtout la relation de l’homme à la nature
C’est à un passionnant parcours entre philosophie, sociologie et théologie à travers les mythes de la Création forgés par les religions, que les auteurs de l’ouvrage convient le lecteur. Dans les mythes, le destin du cosmos et celui de l’individu sont décrits comme profondément solidaires.

Mais l’histoire de l’homme occidental a dérivé vers l’affirmation d’un anthropocentrisme arrogant et sans retenue qui se traduit par une volonté de maîtrise totale de la nature. Cette attitude a sans doute été induit par le premier récit de Création du livre de la Genèse où Dieu commande à l’être humain de dominer « les poissons de la mer, les oiseaux du ciel, les bestiaux, toutes les bêtes sauvages et toutes les bestioles qui rampent sur la terre ».

Si les trois monothéismes, judaïsme, christianisme et islam focalisent leur attention sur la peur de la destruction de la planète et s’interrogent sur la place de l’homme sur la terre, le bouddhisme, lui, ignore cette peur, car il considère que la destruction, mais aussi la renaissance, sont de l’ordre des choses et font partie des cycles sur lesquels l’homme n’a pas prise. Ce qui n’empêche pas le bouddhiste de respecter un principe de non nuisance à l’égard de son environnement.

Pour le chrétien contemporain, « la Création ne se résume pas à une chiquenaude initiale donnée par un Dieu qui aurait programmé la suite », insiste Jacques Arnould, théologien catholique et ingénieur agronome qui a participé à l’ouvrage. Et le dominicain de poursuivre : « Il faut se défaire du théorème selon lequel Dieu, créant l’univers ex nihilo, programme la suite dans son atelier de telle façon que tout se déroule comme prévu ». Jacques Arnould rappelle que pour les scientifiques, la thèse du déterminisme théologique est tout simplement intenable. Et affirme la nécessité de réinterpréter le récit biblique, de la Création à la chute et à la condition mortelle, dans un sens résolument contemporain. Pour lui, Dieu crée l’homme aujourd’hui, et non pas à un moment de l’histoire, il y a des millions et des millions d’années, et il continue de dispenser sa vie, « depuis toujours et jusqu’à toujours ». Le récit biblique interpelle aujourd’hui encore les humains et ne constitue pas une loi à priori, extérieure à la liberté des hommes qui l’accueillent.

Pour l’islam, Dieu est le Créateur de toute éternité, qui intervient dans l’histoire du monde et ne cesse de créer, de détruire et de recréer. L’être humain bénéficie du statut particulier de « représentant de Dieu sur terre » ,qui ne peut éviter la question de sa propre responsabilité et répondre de ses actes. Abd-al-Haqq-Guiderdoni, astrophysicien, directeur de l’Institut des Hautes Etudes Islamiques constate : « Chacun sait plus ou moins confusément que nous agissons mal et que la planète court à sa perte si nous ne fixons aucune autre limite que celles de nos capacités technologiques ». Pour le spécialiste de l’islam, le grand défi du 21e siècle sera de « tenir compte de la pluralité des révélations et de la diversité du monde afin que plus personne ne puisse imposer sa révélation ou sa culture à l’autre, que nous nous prenions tous conscience de notre place sur cette planète qui nous est donnée, que nous avons à transmettre et que nous devons sauvegarder ». Une profession de foi que chacun, quelle que soit sa religion, devrait faire sienne.La création du monde, ce qu’en disent les religions », sous la direction d’Evelyne Martini, éd. De l’Atelier, 2004.