Christophe Gallaz ou l’impossibilité de croire

légende / crédit photo
i
[pas de légende]

Christophe Gallaz ou l’impossibilité de croire

29 avril 2004
Invité au café théologique lausannois, Christophe Gallaz a remué et stimulé les esprits avec son propos sur la souffrance du doute face à la violence de la foi
Propos choisis de celui qui se définit lui-même comme un "humaniste sensible aux questions d’En Haut". Provocatrice, la pensée de Christophe Gallaz n’en demeure que plus féconde. L’écrivain et chroniqueur vaudois l’a prouvé une fois encore la semaine dernière, lors de l’avant-dernier Café Théol’ lausannois de la saison. Affirmant d’emblée sa position « de non croyant sensible aux appels d’En Haut" même si le Ciel lui semble un peu dépeuplé, cet « humaniste en recherche » a évoqué sa recette pour naviguer entre la « violence de croire » et « la souffrance du doute ».

Pour Christophe Gallaz, toute certitude a vocation d’autorité ; elle est rectiligne « alors que la nature des l’homme et les faits demeurent mobiles, fluctuants. Les rituels de l’Eglise m’apparaissent comme le travestissement en certitude de l’hypothèse du croire ». Négation du temps qui passe avec ses vérités éternelles, violence contre soi parce qu’elle « inflige un non entendement des choses et empêche la noblesse de la solitude », la croyance serait aussi violence contre les autres, « que l’on désire convertir pour ne plus souffrir tout seul ». La terreur de n’être rienA l’autre extrême, le refus de croire laisse dans l’incompréhension du monde, dans la terreur de n’être rien et de disparaître un jour. « Lorsqu'on mesure l’insuffisance de notre fraternité, de notre amour pour la planète et de nos concepts démocratiques, on reste en quelque sorte troué par un sentiment de médiocrité ». D’autant que la modernité a remplacé l’appel de la transcendance par « le fait prosaïque de croire à l’horizontal », à travers la consommation, la communication ou les injonctions de performance et de bonheur obligatoire. Il faut donc « se bricoler une vie », chercher sa voie propre parmi ces attitudes, ce qui pour Christophe Gallaz passe par la conception de sa présence au monde comme "une tentative, un tournoiement permanent ».

Inutile de préciser que la discussion qui suivit sa prise de parole fut singulièrement nourrie. Face à l’auteur affirmant « son impossibilité de croire », à une foi présentée comme une « mutilation des moyens d’être et de penser », plusieurs personnes ont tenu à donner une toute autre image de leurs convictions. Loin de les immobiliser, ont-ils souligné, elles les ouvrent à un espace dépassant leur finitude. C’est une « confiance qui me met en mouvement vers cet au-delà de moi-même qui met au défi ma raison et ma logique », selon les termes choisis d’une participante. Ou encore : « Finalement, croire ou ne pas croire constituent tous deux un choix. Pour moi, la foi est quelque chose qui donne du sens », a renchéri un habitué.

Autre aspect longuement abordé, celui du doute et de sont articulation avec le fait de croire. « Pourquoi douter si l’on croit ? C’est un peu comme si l’on voulait une police d’assurance résiduelle », a interpellé un peu ironiquement l’orateur. Animateur de la soirée, Jean-Daniel Hostettler a répondu que pour lui, loin de s’opposer, doute et foi « se stimulaient et se fécondaient mutuellement ». Une attitude que Christophe Gallaz préfère nommer un « émerveillement » et la « recherche d’un sacré non institué, un peu comme le poète demeurant dans une quête jamais aboutie ».