Andrea Riccardi à Caux: Passer de la haine à l'écoute pour construire la paix
Oui, la paix est possible. Pour Andrea Riccardi, fondateur de la communauté de St-Egidio, il faut croire dans la « force sans arme de l’Esprit contre la force brutale de la violence ». Evoquant le panorama de Caux, où il était invité samedi dans le cadre des traditionnelles rencontres internationales d’Initiatives et Changement (lire encadré), le célèbre Italien - professeur d’histoire de la religion et auteur d’une réflexion nourrie sur les rapports entre christianisme et modernité - a évoqué « l’une des plus belles terrasses d’Europe qui est aussi, par le réseau d’amitiés et d’échanges qui s’y développent, une terrasse du monde ».
La dernière décennie, a rappelé Andrea Riccardi, fut particulièrement meurtrière. Plus de cinq millions de morts, au moins dix fois plus de déracinés. De nos jours, une trentaine de conflits déchirent la planète. La guerre, « mère de la pauvreté et terreau du mal », est plus que jamais d’actualité. Avant la chute du Mur de Berlin et l’écroulement de l’empire communiste, tout semblait simple. « La guerre paraissait soit le résultat d’un affrontement entre deux grandes puissances, soit le produit de la pauvreté du Tiers Monde ». Le déchirement yougoslave, le drame rwandais ont montré qu’il n’en était rien. « A l’impuissance des individus s’est ajoutée celle des Etats ». Depuis lors, les attentats du 11 septembre ont achevé de brouiller les cartes. L’information semble omniprésente. Pourtant, « si nous savons tout du monde, il est devenu tellement complexe que nous nous résignons devant une violence qui apparaît de plus en plus comme une fatalité ».
Comment, alors, garder l’espoir de la paix ? Citant Churchill (« la paix est une affaire trop sérieuse pour être laissée aux politiciens et aux militaires »), l’orateur en appelle à la mobilisation de chacun en faveur de cette « force humble de la prière et de l’humanité », qui se développe à travers tous ces groupements et mouvements qui militent pour arracher l’homme à la logique de l’affrontement.
St-Egidio est l’un de ces endroits. Fondée à Rome en 1968 dans un ancien monastère, cette communauté de prière et d’engagement envers les pauvres et les exclus se retrouve aujourd’hui dans de nombreux pays dont la Suisse. Son action fut particulièrement remarquée lors de la signature des accords de paix au Mozambique, dont elle fut le principal artisan, et qui mirent fin à quinze ans d’une lutte fratricide qui tua plus d’un million d’habitants. « Tout semblait perdu au point que personne ne pensait que ce pays serait capable de retrouver la sécurité par ses propres moyens. Il a fallu dépasser cette idée, impliquer tous les acteurs, leur faire prendre leurs responsabilités ».
Pour St-Egidio, raconte son fondateur, la priorité consistait à ce que la guérilla comme le gouvernement, qui n’accordaient aucune reconnaissance politique l’un à l’autre, acceptent l’idée d’appartenance à une même famille mozambicaine et en viennent donc à partager le désir commun d’une solution. « Passer de la lutte armée à la collaboration, de la haine à l’écoute. Bref, entreprendre un processus de réconciliation qui passait par un total changement des mentalités ». Selon Andrea Riccardi, chrétiens, musulmans et juifs peuvent se retrouver dans cette quête de l’Esprit et de la paix, dans ce lien entre spiritualité et solidarité retrouvées : « Parce que l’adresse de la paix n’est pas loin de celle de l’église, de la mosquée ou de la synagogue ».