Livres: « Dieu parle-t-il créole ? » de Brian Moore
11 août 2004
Comment un petit prêtre des bidonvilles, qui utilise la chaire pout arriver à la présidence de son île, devient un ange déchu
Une histoire qui ressemble étrangement à celle de Jean-Bertrand Aristide. La théologie de la libération a du plomb dans l'aile.Le dernier roman de Brian Moore, auteur d’origine irlandaise établi en Californie, raconte, à travers le témoignage d’un prêtre blanc, l’ascension fulgurante d’un garçon noir, qui devient le premier président élu d’une petite république des Caraïbes qui ressemble comme deux gouttes d'eau à Haïti. Le prêtre, qui se dit l’un des derniers vestiges d’un passé que les insulaires veulent oublier au plus vite, prend sous son aile un orphelin, dont on se débarrasse comme d’un paquet encombrant. C’est que la misère est terrible sur cette île de3 désolation que dirige un dictateur de la trempe de Duvalier. Jeannot, - c’est ainsi que le père Paul appelle son protégé - est un élève brillant qui apprend vite et découvre, la rage au cœur, l’exploitation et la misère extrême de son peuple. Il poursuit ses études en France, est ordonné prêtre, rentre dans l’ancienne colonie française et y fonde un orphelinat. Il a fait sienne la théologie de la libération, prêche la révolution, se révèle un orateur messianique remarquable qui incite le peuple des bidonville à descendre dans la rue pour exiger un gouvernement démocratique. Son ascension à la présidence de l’île est fulgurante. Les déshérités qui l’ont plébiscité ont trouvé en lui leur sauveur. Grâce à lui, Dieu leur parle dans leur langue, le créole. A peine président, Jeannot crée son Eglise. « L’Eglise, c’est vous et moi !», déclare-t-il dans une de ses harangues du haut de la chaire. Ce qui inquiète Rome et irrite les puissants évêques de l’île, loyaux à l’ancien régime corrompu.
La dictature n’a pas dit son dernier mot ; la révolution, puis la contre-révolution plongent l’île dans un bain de sang. Qui l’emportera ? Dans quelle mesure l’action du jeune président est-elle, comme il l’affirme, la volonté de Dieu ? Jeannot devenu président est-il en train de se métamorphoser en dictateur ? Le succès populaire lui a-t-il tourné la tête ? Le Père Paul, qui a toujours témoigné une confiance entière à son jeune protégé, se sent happé par le doute.
Brian Moore, qui s’inspire visiblement de l’histoire récente d’Haïti, laisse au lecteur, le soin de trancher. Tout le récit est fait par le père Paul. L’auteur se garde bien de se mettre dans la peau du jeune religieux révolutionnaire. Le récit tourne court avec une pirouette de l’auteur qui évite à son personnage d’être un ange déchu, comme son modèle évident, le Père Jean-Bertrand Aristide. Le récit, palpitant et remarquable, qui ressort en traduction française ces jours-ci, date en fait de… 1993. C’est donc l’histoire, la vraie, qui a hélas le dernier mot.« Dieu parle-t-il créole ? » Brian Moore, 271 pages, éditions de l'Olivier, juin 2004.
La dictature n’a pas dit son dernier mot ; la révolution, puis la contre-révolution plongent l’île dans un bain de sang. Qui l’emportera ? Dans quelle mesure l’action du jeune président est-elle, comme il l’affirme, la volonté de Dieu ? Jeannot devenu président est-il en train de se métamorphoser en dictateur ? Le succès populaire lui a-t-il tourné la tête ? Le Père Paul, qui a toujours témoigné une confiance entière à son jeune protégé, se sent happé par le doute.
Brian Moore, qui s’inspire visiblement de l’histoire récente d’Haïti, laisse au lecteur, le soin de trancher. Tout le récit est fait par le père Paul. L’auteur se garde bien de se mettre dans la peau du jeune religieux révolutionnaire. Le récit tourne court avec une pirouette de l’auteur qui évite à son personnage d’être un ange déchu, comme son modèle évident, le Père Jean-Bertrand Aristide. Le récit, palpitant et remarquable, qui ressort en traduction française ces jours-ci, date en fait de… 1993. C’est donc l’histoire, la vraie, qui a hélas le dernier mot.« Dieu parle-t-il créole ? » Brian Moore, 271 pages, éditions de l'Olivier, juin 2004.