Conférence de Claudine Attias pour Pro Senectute à Sion et Vevey:Avec les grands-parents d’aujourd’hui, tout change au sein de la famille

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Conférence de Claudine Attias pour Pro Senectute à Sion et Vevey:Avec les grands-parents d’aujourd’hui, tout change au sein de la famille

5 décembre 2005
Jeunes sous toutes les coutures, dynamiques, à l’aise, branchés sur les nouvelles technologies : riches de leur bagage, les grands-parents du XXIe siècle voient leur importance s’affirmer dans la famille
Ils représentent une figure nouvelle, porteuse de multiples ressources, mais non dépourvue de tensions et de conflits potentiels. Un schéma qui se généralise dans toute l’Europe. Claudine Attias, directrice des Recherches sur le Vieillissement à Paris, est venue a Sion parler du phénomène.Mamounette, Papynou, Papyvélo, Mamylaine… Les petits noms que donnent les enfants d’aujourd’hui à leurs grands-parents sont des raccourcis affectifs éloquents ; ils démontrent que le lien relationnel s’est modifié depuis quelques années dans le sens d’un rapprochement. « Il n’est pas rare de rencontrer des grands-parents qui se font appeler par leur prénom » souligne Claudine Attias-Donfut, directrice du service des Recherches sur le Vieillissement au sein de la Caisse nationale d’assurance vieillesse à Paris. Invitée de Pro Senectute Valais et Pro Senectute Suisse à Vevey, elle était à Sion mercredi soir 30 novembre pour parler du nouveau rôle des grands-parents au sein de la famille.

Finis donc les vocables de mémés/pépés ou le conventionnel grand-papa/ grand-maman, qui imprégnaient une notion de distance intergénérationnelle. Les grands-parents actuels sont à des années-lumière des aïeuls à chignon ou en charentaises tels qu’on les décrit encore dans l’imagerie populaire. Ils sont dans le coup, souvent actifs professionnellement, branchés « nouvelles technologies », ils ont du temps et des moyens à consacrer à la famille et ils s’investissent. Leur rôle auprès des petits-enfants revêt désormais une tournure ludique et informelle. Le lien est très libre et permet la confidence, la complicité, alors qu’il y a à peine trente ou quarante ans encore, le mode relationnel entre petits-enfants et grands-parents conjuguait autorité et hiérarchie, pour bien marquer le respect et la distance. A chacun son rôle à jouerLe grands-parents modernes ne sont plus les têtes de lignée, ce rôle revient désormais aux arrière-grands-parents, car la famille compte fréquemment quatre générations.

Plusieurs facteurs sont la cause de cette petite révolution au sein de la structure familiale. Claudine Attias-Donfut : « Les grands-parents d’aujourd’hui sont les enfants du babyboom. Ils ont connu les trente glorieuses, mai 68, la contraception, l’entrée des femmes sur le marché du travail et ont vécu une ascension sociale sans précédent. Dans les pays occidentaux, cette génération est celle qui a le plus de patrimoine. C’est elle qui aide financièrement, qui soutient, qui offre des cadeaux aux plus jeunes. Elle a été sous l’influence marquante de Françoise Dolto dans les années septante. On peut dire qu’à la famille morale s’est substituée la famille relationnelle ».

Toute médaille a son revers. « On note une plus grande fragilité des relations entre les grands-parents et leurs enfants dont le désir est l’autonomie, relève la conférencière. Si la conception moderne veut que les grands-parents gardent un rôle éducatif, il ne faut absolument pas qu’il y ait de confusion entre les uns et les autres, entre parents et grands-parents ».

Lignée maternelle privilégiée

Les sources de conflit ? Elles ne manquent pas. A commencer par une cause majeure : les questions d’éducation – trop ou trop peu de sévérité - et de la nourriture. « Les jeunes parents n’ont souvent pas les mêmes normes culinaires que leurs parents. Et cet aspect cristallise toutes les divergences ». Autre problème récurrent : la proximité. « Les grands-parents ont souvent tendance à trop s’investir, surtout les grands-mères avec les tout-petits. Elles ont un peu le sentiment que c’est leur enfant avec l’envie de revivre ce qui a été vécu. Et ça, les mères n’apprécient absolument pas ! », remarque Mme Attias.

Enfin, la rivalité avec les autres grands-parents n’est pas un facteur négligeable. « Ce qui apparaît des études que nous avons menées, c’est que la lignée maternelle est nettement avantagée par rapport à la lignée paternelle. Selon certaines observations faites par des biologistes allemands, cette préférence serait due à « la certitude biologique », à une sorte de garantie de filiation. A prendre avec des pincettes ! ».Papy branché, c’est coolCertes, si durant la prime enfance les relations entre les grands-parents et leurs petits-enfants sont souvent idylliques et symbiotiques, elles s’amenuisent à l’adolescence. « Elles se maintiendront un peu plus fortement si les grands-parents font l’effort de souscrire aux nouvelles technologies qui est la culture de l’adolescent par excellence ». Des grands-parents cool ! Une image sans doute plus avantageuse aux yeux des ados.

Sur ce terrain-là, les papys ont une longueur d’avance. Ils manient plus aisément les jeux vidéo, cellulaire et autres ordinateurs que leurs épouses déconcertées par ces engins. Mieux. Ce lien particulier via le multimédia favorise des relations confidentielles. « C’est mieux que le téléphone, signale Claudine Attias, c’est privé ! ».

La grand-mère, qui de tout temps a occupé un rôle central dans la structure familiale, doit aujourd’hui partager ce privilège. Les papys revendiquent leur part. « Ils ont le sentiment d’avoir une deuxième chance quand naissent les petits. Ils ont du temps alors que plus tôt, ils étaient investis dans leur travail et ont parfois le sentiment d’avoir passé à côté, de ne pas avoir vu grandir leurs enfants. De surcroît, la paternité est grandement valorisée aujourd’hui ».Place à la transmission des savoirsCe qui reste le plus notable dans l’évolution des relations petits-enfants/grands-parents, c’est sans doute la transmission de la mémoire. Les évocations guerrières des papys radoteurs, les souvenirs fanés des mémés, c’est de l’histoire ancienne. Aujourd’hui, on raconte, on transmet dans un registre différent. « Il y a une demande très forte de témoignages de la part des jeunes, souligne Claudine Attias. On veut donner du sens au lien historique, c’est un besoin. Du coup, les grands-parents sont des historiens à demeure ». Pour preuve, l’engouement relativement nouveau pour les recherches généalogiques, les savoir-faire traditionnels, les valeurs « à la mode d’autrefois », les saveurs du terroir… que les publicitaires ont été les premiers à capter. La notion de patrimoine devient dorénavant une conception extensive.

Ce qui donne à penser que rien n’est jamais perdu !