Billet d'humeur: L'esprit de Noël n'est pas au rayon des guirlandes
15 décembre 2005
La perspective des fêtes est l'occasion pour la rédaction de Protestinfo de vous proposer une nouvelle rubrique occasionnelle avec un billet à mi-chemin entre le coup de coeur et la réflexion
L'esprit de Noël est le prétexte pour Nicole Métral de retrouver le plaisir du billet d'humeur.L’esprit de Noël, c’est quoi ? A errer dans les grands magasins pendant la pause de midi, entre piles de pulls en cachemire, bougies parfumées et avalanches de décorations pour le sapin, je n’ai pas l’esprit à la fête. Pas envie d’acheter, envie de pleurer. Comment cette couverture en laine polaire, dont je teste le moelleux, pourrait-elle rallumer dans le regard de mon père malade la petite lueur malicieuse que j’aimais à y voir, lui dont les yeux sont désormais inlassablement fixés sur un ailleurs vers lequel j'ai de la peine à l'imaginer partir ?
Il faudrait pourtant que je me décide à acheter des cadeaux, histoire de contribuer, comme on nous le fait croire, à faire tourner l’économie et à maintenir des emplois, et…des montagnes de déchets ! Mais pour qui, ces emplois ? Pour la jeune Chinoise rivée à sa machine, contrainte de dormir dans son usine avec des centaines d’autres travailleuses qui brodent des paillettes sur des cardigans trop clinquants qui finiront au fond d’une armoire chez nous ?
La pause de midi écoulée, je retourne au travail les mains vides. Sur mon chemin, je croise une voisine que je vois tous les jours mais qui file toujours le nez baissé et ne salue jamais personne. Je lui lance un bonjour que je veux avenant. Elle saisit la salutation comme une bouée, se met à me parler avec chaleur. Sa carapace craque. Là où je percevais de la froideur, il n’y avait que de la timidité. Nous en venons à parler de nos enfants, de nos déchirures, elle me confie qu’elle doit encore travailler parce que sa retraite est insuffisante, du fait qu’elle a élevé seule ses quatre enfants et travaillé à temps partiel toute sa vie. Nous évoquons le bonheur dense que nous avons chacune à transmettre à nos petits-enfants notre passion pour les jardins, où la vie s’apprend patiemment, au fil des saisons. L’heure tourne et l’on se quitte.
Je me retrouve à sourire aux anges dans la rue. Voilà justement que j’en croise un, d’ange, qui a l’allure d’un passant inconnu : il répond à mon sourire par le sien, qui m’éblouit. Moment de grâce. L’esprit de Noël n’est décidément pas au rayon des guirlandes, mais tout entier dans le regard offert, la rencontre, le partage et la confiance. Dans cette foi en l’autre, qui est différent, qui m'est étranger, mais dont je partage l’humanité. Dans cette confiance donnée à Noël, qui ouvre sur l'espérance même au coeur de la nuit. Ce soir, quand je verrai papa à l’EMS, il faut absolument que je lui redise que je l’aime.
Il faudrait pourtant que je me décide à acheter des cadeaux, histoire de contribuer, comme on nous le fait croire, à faire tourner l’économie et à maintenir des emplois, et…des montagnes de déchets ! Mais pour qui, ces emplois ? Pour la jeune Chinoise rivée à sa machine, contrainte de dormir dans son usine avec des centaines d’autres travailleuses qui brodent des paillettes sur des cardigans trop clinquants qui finiront au fond d’une armoire chez nous ?
La pause de midi écoulée, je retourne au travail les mains vides. Sur mon chemin, je croise une voisine que je vois tous les jours mais qui file toujours le nez baissé et ne salue jamais personne. Je lui lance un bonjour que je veux avenant. Elle saisit la salutation comme une bouée, se met à me parler avec chaleur. Sa carapace craque. Là où je percevais de la froideur, il n’y avait que de la timidité. Nous en venons à parler de nos enfants, de nos déchirures, elle me confie qu’elle doit encore travailler parce que sa retraite est insuffisante, du fait qu’elle a élevé seule ses quatre enfants et travaillé à temps partiel toute sa vie. Nous évoquons le bonheur dense que nous avons chacune à transmettre à nos petits-enfants notre passion pour les jardins, où la vie s’apprend patiemment, au fil des saisons. L’heure tourne et l’on se quitte.
Je me retrouve à sourire aux anges dans la rue. Voilà justement que j’en croise un, d’ange, qui a l’allure d’un passant inconnu : il répond à mon sourire par le sien, qui m’éblouit. Moment de grâce. L’esprit de Noël n’est décidément pas au rayon des guirlandes, mais tout entier dans le regard offert, la rencontre, le partage et la confiance. Dans cette foi en l’autre, qui est différent, qui m'est étranger, mais dont je partage l’humanité. Dans cette confiance donnée à Noël, qui ouvre sur l'espérance même au coeur de la nuit. Ce soir, quand je verrai papa à l’EMS, il faut absolument que je lui redise que je l’aime.