Lausanne : marché du croire au Petit-Chêne
30 janvier 2006
Depuis 6 mois, crucifix, statuettes de saintes, encens pontifical et chapelets ont pignon sur rue à Lausanne à l’enseigne de « Arte Sacra », à un jet de pierres exactement des pendules, boules de cristal, talismans, tarots, elfes et dragons de la boutique des « Arts divinatoires », que fréquentent adeptes de l’ésotérisme, jeunes gothiques et amoureux des anges
Derrière ce curieux marché du croire, une seule et même propriétaire. Mais à quoi sert ce recours aux objets de piété populaire ? Réponses. Avec la création, en 1999, de la boutique des « Arts divinatoires » au Petit-Chêne, sur le passage de la foule qui dévale la rue pour prendre le train, Giuliana Arrigo Macaione a fait mouche. Cette jeune Lausannoise au look flamboyant et à l’œil de biche soigneusement peint était une habituée des librairies ésotériques. « J’ai une passion depuis l’enfance pour les mystères de la vie, explique-t-elle, j’ai reçu mon premier livre d’astrologie à 7 ans ». Elle n’y trouvait toutefois pas la panoplie d’accessoires pouvant servir de support aux arts divinatoires qui l’attiraient tant. Cela lui donna l’idée d’ouvrir son propre magasin pour combler cette lacune. On était en pleine vague New Age, les clients affluèrent, des professionnels de tout poil et des curieux, séduits par les fées et les elfes aux couleurs délicates alignés en rangs serrés dans ses vitrines, mais aussi par les objets qui permettent de pratiquer le Feng Shui chinois, très à la mode actuellement, ou de se mettre à l’heure gothique ou celte.
« J’ai acheté ce petit cercueil à porter en pendentif, je vais y mettre du sel, ça me protégera ! » explique Nicolas, 18 ans, bardé de clous pointus, à la voix douce et à la politesse qui tranche avec son look d’enfer.
« Les gens ont besoin de se protéger avec des gestes et des objets positifs. Chez moi, il n’y a pas de quoi pratiquer la magie noire », précise Giuliana Arrigo Macaione, je veux aider les gens à mieux vivre, un point c’est tout ». Pourquoi avoir ouvert un magasin de bondieuseries en face ? La propriétaire des lieux explique : « Le coin que je réservais aux chapelets, aux croix et aux objets de piété catholique a bien vite débordé. Les croyants, qui venaient acheter un rosaire ou une bougie de Neuvaine, se sentaient gênés par la proximité des gnomes et des lutins, des dragons et des jos_content environnants. Alors quand mon frère, qui tenait la coutellerie plus bas, a fermé boutique, j’ai sauté sur l’occasion et ouvert une échoppe entièrement consacrée aux jos_content religieux pour répondre à la demande des communautés latino-américaines et africaines de Lausanne, souvent fort pieuses ».
Le succès de ce marché du croire et le recours à des objets n’étonnent pas le pasteur Serge Molla : pour lui, il s’inscrit à la suite de la crise des institutions dont les Eglises participent, à la perte de confiance des gens en manque de repères, à leur besoin de se construire des croyances, en empruntant des éléments au christianisme, mais aussi à l’Orient, à des religions païennes et à des rituels composites.
Professeure d’histoire comparée des religions à l’Université de Lausanne, Silvia Mancini rappelle que les symboles offrent une passerelle entre l’ordre humain et l’ordre divin et sous-tendent une dimension thaumaturgique. « Par le recours à la magie, explique-elle, on veut corriger l’infortune et le hasard, négocier la guérison ; la magie véhicule la prétention qu’ont ceux qui y ont recours de pouvoir agir sur ce qui leur arrive. Mais il ne faut jamais oublier que les gens ne sont pas dupes ; ils ont simplement besoin de stratégies de survie.
Silvia Mancini explique la gêne des protestants face à ces magasins. « C’est assez normal que dans une ville et un Etat historiquement et culturellement protestants, les boutiques qui proposent des objets de culte dérangent. Les magasins d’objets liés au néo-paganisme du New-Age et aux spiritualités alternatives perpétuent une conception magique des sacrements, tout à fait contraire à l’esprit de la Réforme. Le protestantisme fait reposer l’idée de la grâce sur l’attitude intérieure du croyant et n’attribue aucune efficacité réelle au rite. La foi réformée se nourrit de la Parole seule des Ecritures et elle n’a pas besoin de passer par un acte rituel qui permette d’instaurer l’état de grâce. L’Eglise catholique de Rome, elle, a très souvent pratiqué une politique de compromis face aux pratiques de dévotion populaire, voire même une attitude d’encouragement. Elle a rarement fait du combat contre la superstition une priorité ». Arte Sacra, boutique religieuse, rue du Petit-Chêne 22, 1003 Lausanne
Aux arts divinatoires, rue du Petit-Chêne 1 , 1003 Lausanne.
« J’ai acheté ce petit cercueil à porter en pendentif, je vais y mettre du sel, ça me protégera ! » explique Nicolas, 18 ans, bardé de clous pointus, à la voix douce et à la politesse qui tranche avec son look d’enfer.
« Les gens ont besoin de se protéger avec des gestes et des objets positifs. Chez moi, il n’y a pas de quoi pratiquer la magie noire », précise Giuliana Arrigo Macaione, je veux aider les gens à mieux vivre, un point c’est tout ». Pourquoi avoir ouvert un magasin de bondieuseries en face ? La propriétaire des lieux explique : « Le coin que je réservais aux chapelets, aux croix et aux objets de piété catholique a bien vite débordé. Les croyants, qui venaient acheter un rosaire ou une bougie de Neuvaine, se sentaient gênés par la proximité des gnomes et des lutins, des dragons et des jos_content environnants. Alors quand mon frère, qui tenait la coutellerie plus bas, a fermé boutique, j’ai sauté sur l’occasion et ouvert une échoppe entièrement consacrée aux jos_content religieux pour répondre à la demande des communautés latino-américaines et africaines de Lausanne, souvent fort pieuses ».
Le succès de ce marché du croire et le recours à des objets n’étonnent pas le pasteur Serge Molla : pour lui, il s’inscrit à la suite de la crise des institutions dont les Eglises participent, à la perte de confiance des gens en manque de repères, à leur besoin de se construire des croyances, en empruntant des éléments au christianisme, mais aussi à l’Orient, à des religions païennes et à des rituels composites.
Professeure d’histoire comparée des religions à l’Université de Lausanne, Silvia Mancini rappelle que les symboles offrent une passerelle entre l’ordre humain et l’ordre divin et sous-tendent une dimension thaumaturgique. « Par le recours à la magie, explique-elle, on veut corriger l’infortune et le hasard, négocier la guérison ; la magie véhicule la prétention qu’ont ceux qui y ont recours de pouvoir agir sur ce qui leur arrive. Mais il ne faut jamais oublier que les gens ne sont pas dupes ; ils ont simplement besoin de stratégies de survie.
Silvia Mancini explique la gêne des protestants face à ces magasins. « C’est assez normal que dans une ville et un Etat historiquement et culturellement protestants, les boutiques qui proposent des objets de culte dérangent. Les magasins d’objets liés au néo-paganisme du New-Age et aux spiritualités alternatives perpétuent une conception magique des sacrements, tout à fait contraire à l’esprit de la Réforme. Le protestantisme fait reposer l’idée de la grâce sur l’attitude intérieure du croyant et n’attribue aucune efficacité réelle au rite. La foi réformée se nourrit de la Parole seule des Ecritures et elle n’a pas besoin de passer par un acte rituel qui permette d’instaurer l’état de grâce. L’Eglise catholique de Rome, elle, a très souvent pratiqué une politique de compromis face aux pratiques de dévotion populaire, voire même une attitude d’encouragement. Elle a rarement fait du combat contre la superstition une priorité ». Arte Sacra, boutique religieuse, rue du Petit-Chêne 22, 1003 Lausanne
Aux arts divinatoires, rue du Petit-Chêne 1 , 1003 Lausanne.