Marginaux bannis des lieux publics :Lausanne et Fribourg étudient un règlement

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Marginaux bannis des lieux publics :Lausanne et Fribourg étudient un règlement

30 janvier 2006
Après la décision du Tribunal fédéral jugeant les exclusions de périmètre conformes à la constitution, deux villes romandes envisagent la possibilité d’adopter un règlement ad hoc
Des mesures d’accompagnement sont prévues.

Les marginaux (toxicomanes, alcooliques et sdf) qui troublent certains lieux publics bernois peuvent en être chassés sans que cela viole la constitution. La décision du Tribunal fédéral n’est pas passée inaperçue dans certaines villes romandes en proie aux incivilités. A Lausanne, la municipale radicale Doris Cohen-Dumani, en charge de la direction de la sécurité publique, juge « tout à fait envisageable » de modifier le règlement municipal pour introduire des mesures semblables à celles en vigueur à Berne. « Nous étudions les textes des villes qui prévoient un article relatif aux exclusions de périmètre et gardons cette possibilité ouverte » : un tel durcissement n’entrerait cependant en vigueur qu’accompagné d’un ensemble de mesures, comprenant un local d’injection et un bistrot social. Une proposition de crédit portant sur ces deux objets devrait être soumise au Conseil communal avant l’été. A Fribourg, des mesures d’assignation basées sur la Loi fédérale sur le séjour des étrangers devraient être décidées ce printemps.

Après Berne, Saint-Gall et Winterthour avaient adopté l’article d’éloignement permettant aux forces de l’ordre de chasser temporairement des personnes d’un lieu ou de leur en interdire l’accès s’il y a de sérieuses raisons de soupçonner qu’elles menacent la sécurité ou l’ordre public. Lausanne n’exclut pas de leur emboiter le pas : « pour l’instant, nous observons les mesures mises en œuvre provisoirement à la Riponne. Nous verrons si l’incitation à se rendre au Passage (ndlr, l’espace abrité mis à disposition des marginaux pour l’hiver et aménagé par la Fondation pour un accueil à bas seuil à la Place du Vallon) sans contrainte est efficace, ou s’il faut aller un cran plus loin», poursuit Doris Cohen-Dumani. Si un règlement d’éloignement était rédigé, « cela entrerait dans un ensemble de mesures comprenant aussi un bistrot social et un local d’injection ». Silvia Zamora, municipale socialiste en charge de la Sécurité sociale, espère « pouvoir faire une proposition de crédit au Conseil communal sur ces deux objets avant l’été ».

A Fribourg, le chef de la police de sûreté Michael Perler connaît bien les dispositions bernoises, pour les avoir appliquées lorsqu’il travaillait dans ce canton. L’adoption d’un règlement permettant le bannissement des marginaux de certaines zones exigerait une modification légale : « Nous devons étudier la situation pour savoir si nous l’envisagerons à titre de mesure supplémentaire ». Dans l’immédiat, le canton devrait prendre des mesures d’assignation basées sur la Loi fédérale sur le séjour des étrangers afin de sécuriser certaines zones contre les dealers. Une discussion est prévue la semaine prochaine avec le service de la population et des migrants pour décider de leur mise en œuvre dès ce printemps. Ces mesures, déjà en vigueur à Genève, concernent délinquants étrangers et requérants d’asile ; elles permettent de prohiber l’accès à des zones d’exclusion au centre-ville durant plusieurs mois. Le canton et la ville entendent réhabiliter le secteur des Grands-Places, qui possède « une image de lieu mal famé » en travaillant de concert avec un centre d’accueil pour toxicomanes et la police.

« A Berne, l’article d’éloignement constitue une bonne mesure pour lutter contre le sentiment d’insécurité induit par la présence de toxicomanes », estime Michael Perler, « mais il faut prévoir des mesures d’accompagnement pour cette population, sinon, on ne fait que déplacer le problème ». « Plutôt que des zones d’exclusion, il faudrait des zones de tolérance où accueillir et inviter cette partie de la société », plaide Nicolas Pythoud, directeur du Passage. « Ce que ces gens recherchent est une place de village où rencontrer leurs pairs. Les zones d’exclusion sont une manière d’envisager la sécurité publique à laquelle je suis parfaitement opposé et qui risque de braquer les gens ». Une telle mesure ne peut avoir un sens que dans un dispositif cohérent : le déplacement doit être organisé avec les gens concernés, un terrain doit être à disposition, avec une somme d’argent, des installations sanitaires « afin de les intégrer sans les exclure », conclut Nicolas Pythoud.