« Etre avec les ouvriers pour éviter que la tension n’explose »

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« Etre avec les ouvriers pour éviter que la tension n’explose »

23 février 2006
Deux-tiers des travailleurs de l’usine Swissmetal Boillat à Reconvilier (BE) ont voté jeudi l’arrêt de la grève, par 138 oui contre 63 non
Dans un contexte marqué par les divisions, le sens de la présence de l’Eglise réformée sur place est « d’essayer d’éviter que cette tension n’explose », explique le pasteur Marc Balz.Alors que le travail devrait reprendre lundi avec l’ouverture de négociations, le groupe de soutien mis sur pied par les paroisses il y a dix jours veut « continuer à assurer une présence et à rencontrer les gens, même si nous ignorons encore dans quel cadre cela se fera », indique son animateur, le pasteur régional Lucien Boder. La fin de la grève a été votée par deux-tiers des ouvriers, contre l’avis du tiers restant : « Il y a passablement de tensions, les gens sont à cran et le sens de notre présence ici est d’éviter que cette tension n’explose ou qu’ils n’en viennent aux mains », indique le pasteur de Reconvilier Marc Balz. « Chez ceux qui sont en grève depuis 30 jours, la rage s’accumule. A l’interne, ce vote apparaît à certains comme un aveu d’échec, quelque chose qui divise les ouvriers, comme s’ils avaient enduré tous ces jours de grève pour des prunes ». « Beaucoup ressentent une grande fatigue. Pour avoir cru à ce combat pendant plusieurs semaines, ils ont le sentiment d’être trahis et que cela n’a servi à rien », ajoute Lucien Boder.

Les entretiens qu’il a pu avoir ces derniers jours avec les ouvriers portaient sur « des questions d’ordre financier et juridique. Certains connaissent déjà des situations matérielles acrobatiques, d’autres se souciaient de leur responsabilité éventuelle s’il devait y avoir des déprédations ».

Mais les questions pratiques cachent des angoisses plus profondes. « J’ai été interpelé par une dizaine de personnes, membres du personnel de Swissmetal Boillat, des cadres licenciés ou de leurs familles. Ils cherchaient à avoir un regard extérieur sur ce conflit, à pouvoir déposer les choses et trouver quelqu’un qui les prend au sérieux », explique le pasteur de Tavannes Pierre-André Kuchen. « Ils font part de soucis financiers et relationnels, de tensions à la maison, se demandent comment finir la fin du mois avec les anniversaires des enfants qui arrivent. Puis les questions portent sur le sens de la vie ». Aumônier d’urgence, Pierre-André Kuchen sent que « ce qui est vécu est tout de même de l’ordre du traumatisme : on s’est battu tant d’années pour en arriver là maintenant ». Son rôle consiste à rappeler que la personne n’est pas « que son travail, même si certains y œuvraient depuis une vingtaine d’années ».

Mais cette angoisse touche aussi les familles dont les parents sont directement impliqués dans le conflit. « Ce week-end a lieu un camp de cathéchèse avec les adolescents de Tavannes et Reconvilier sur le thème vie, mort et résurrection. On est en plein dedans ! Les adolescents aussi se demandent comment cela va finir. Ils expriment leur rage et leur peine face à cette situation bloquée. », poursuit le pasteur de Tavannes. « Beaucoup d’ouvriers ont à cœur de montrer leur fierté, ce qui fait leur savoir-faire à l’usine. C’est leur avenir qui est en jeu et leurs foyers qui sont touchés », conclut Marc Balz.