Ecrivains et théologiens en débat: La société moderne ne peut faire l'économie de l'exigence morale
13 juillet 2006
Qu'est-ce que la morale aujourd'hui ? Cette notion, devenue suspecte, a-t-elle encore cours ? Le théologien français Alain Houziaux a convoqué une brochette de philosophes, d’écrivains, de religieux et de penseurs pour définir une compréhension moderne du sens du devoir, ou mieux, de la morale de l'amour gratuit, dont on voudrait parfois faire l'économie : Luc Ferry, Michel Tournier, Guy Gilbert, Jean-François Kahn, Christine Ockrent, Eric Fuchs et André Gounelle ont confronté leurs points de vue, parfois divergents
« Entre sagesse et passions » consigne leurs réflexions. La morale du devoir, la conscience du bien et du mal, ce que Rousseau a appelé « la voix de l’âme », est aujourd’hui, selon le théologien protestant français Alain Houziaux, « ce qui reste de la religion, quand il n’y a plus de religion », ou, si l’on se situe dans une perspective chrétienne, un substitut de la prédication de la grâce. « Donner gratuitement, affirme-t-il, c’est vivre de manière morale, gratuitement, sans raison, c’est l’acceptation du fait que nous sommes justifiés par la grâce seule, c’est l’acceptation qu’il nous faut vivre, agir et être moral sans aucune raison, sans aucune justification ».En résumé, l’exigence morale juste pour l’honneur de Dieu ! Le théologien précise que la morale est aussi ce qui reste du commandement religieux de l’amour et du sacrifice de soi, lorsqu’il n’est plus considéré comme un absolu. Si cette prescription religieuse perd son caractère absolu et sacrificiel, par exemple parce qu’elle est jugée aujourd’hui masochiste et culpabilisante, donc tenue pour suspecte, l’exigence morale prend en général le relais. « Elle sera, entrevoit Alain Houziaux dans un accès de lucidité, peut-être la seule survivance du christianisme dans un monde déchristianisé, paganisé et fanatisé ».
Gilles Bernheim, auteur de « Un rabbin dans la cité », parle pour sa part du sens du devoir qui le contraint à penser au bonheur de l’autre, de sorte que «mon bonheur immédiat, même lié à la contrainte et au devoir, ne débouche pas sur le malheur de l’autre ». Le désir et la tendresseLe bonheur est-il moral et s’oppose-t-il forcément au devoir ? Faut-il préférer la tendresse au désir, l’humilité à l’ambition, l’indépendance à l’engagement, le renoncement à la réussite, la sagesse à la passion ? Les différents conférenciers invités par Alain Houziaux, analysent les choix qui s’offrent à la conscience humaine, les ambiguïtés, les tensions et les contradictions qui les sous-tendent.
La réflexion originale menée par les auteurs pour articuler désir et tendresse est un temps fort du livre. Pour le théologien genevois Eric Fuchs, «La tendresse est la composante non violente du désir. Elle est la promesse de pouvoir reconnaître dans notre désir quelque chose comme l’appel de Dieu ». Jacques Attali affirme pour sa part, que si l’on définit le désir comme la prise de conscience d’un manque, « alors il y a deux façons de combler le manque : par l’appropriation de ce qui manque, ou par la reconnaissance de l’existence de ce qui manque. Dans ce dernier cas, on comble le manque par le dialogue avec ce qui manque ».
Eric Fuchs pointe du doigt l’économie moderne qui cherche sans arrêt à transformer le désir d’être en désir d’avoir. Et Jacques Attali de renchérir : « On occulte ainsi le cœur du désir qui est de ne pas mourir. Toutes les formes de lutte contre la mort, la machine économique les transforme en désir marchand : j’accumule des objets pour les transmettre à la génération suivante, ce qui est une manière de durer, ou je me distrais pour oublier la mort ».
Autre question abordée, celle du bonheur. Est-il compatible avec la morale, ce bonheur dont on a fait aujourd’hui quasiment un devoir ? Pour Alain Houziaux, "être heureux, c’est se savoir pardonné, c’est-à-dire accepté tel qu’on est ». La notion de la morale de l’amour gratuit, donné sans condition, à laquelle les différents auteurs en dialogue souscrivent, a quelque chose de libérateur dans un monde où tout est évalué à l’aune économique.
Gilles Bernheim, auteur de « Un rabbin dans la cité », parle pour sa part du sens du devoir qui le contraint à penser au bonheur de l’autre, de sorte que «mon bonheur immédiat, même lié à la contrainte et au devoir, ne débouche pas sur le malheur de l’autre ». Le désir et la tendresseLe bonheur est-il moral et s’oppose-t-il forcément au devoir ? Faut-il préférer la tendresse au désir, l’humilité à l’ambition, l’indépendance à l’engagement, le renoncement à la réussite, la sagesse à la passion ? Les différents conférenciers invités par Alain Houziaux, analysent les choix qui s’offrent à la conscience humaine, les ambiguïtés, les tensions et les contradictions qui les sous-tendent.
La réflexion originale menée par les auteurs pour articuler désir et tendresse est un temps fort du livre. Pour le théologien genevois Eric Fuchs, «La tendresse est la composante non violente du désir. Elle est la promesse de pouvoir reconnaître dans notre désir quelque chose comme l’appel de Dieu ». Jacques Attali affirme pour sa part, que si l’on définit le désir comme la prise de conscience d’un manque, « alors il y a deux façons de combler le manque : par l’appropriation de ce qui manque, ou par la reconnaissance de l’existence de ce qui manque. Dans ce dernier cas, on comble le manque par le dialogue avec ce qui manque ».
Eric Fuchs pointe du doigt l’économie moderne qui cherche sans arrêt à transformer le désir d’être en désir d’avoir. Et Jacques Attali de renchérir : « On occulte ainsi le cœur du désir qui est de ne pas mourir. Toutes les formes de lutte contre la mort, la machine économique les transforme en désir marchand : j’accumule des objets pour les transmettre à la génération suivante, ce qui est une manière de durer, ou je me distrais pour oublier la mort ».
Autre question abordée, celle du bonheur. Est-il compatible avec la morale, ce bonheur dont on a fait aujourd’hui quasiment un devoir ? Pour Alain Houziaux, "être heureux, c’est se savoir pardonné, c’est-à-dire accepté tel qu’on est ». La notion de la morale de l’amour gratuit, donné sans condition, à laquelle les différents auteurs en dialogue souscrivent, a quelque chose de libérateur dans un monde où tout est évalué à l’aune économique.