Les Eglises appelées à intensifier leurs efforts pour réformer les prisons

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Les Eglises appelées à intensifier leurs efforts pour réformer les prisons

11 mars 2011
Abuja, Nigeria, le 11 mars (ENI Patricia Lefevere) – Les prisons “sont des structures de la condition humaine et des structures du péché”
Elles reflètent souvent l'attitude de société à l'égard de ses citoyens incarcérés et privilégient la vengeance au lieu de la réinsertion, a déclaré le fondateur d'une organisation d'aumôniers de prisons du Nigeria. Il s'exprimait à l'occasion d'une conférence sur la réforme carcérale.

Lutter contre les violations des droits de la personne dans les prisons. Voilà l'exhortation que le prêtre catholique romain Obiora Ike a adressée aux 150 défenseurs des droits de la personne, avocats, juges, universitaires et représentants du système pénal nigérian. Issus de 25 pays, ces délégués se sont réunis dans la capitale du Nigeria du 21 au 24 février pour la Cinquième Conférence CURE sur les droits de la personne, la justice pénale et la réforme carcérale.

CURE (Citizens United for the Rehabilitation of Errants, littéralement “citoyens unis pour la réinsertion des personnes sorties du droit chemin”) est une organisation internationale militant en faveur de la réforme des prisons. Basée à Washington, l'organisation est représentée par des sections locales à travers l'ensemble des Etats-Unis et elle est devenue mondiale en 2001 en ouvrant des sections dans 20 pays africains, ainsi qu'au Brésil et en Inde.

Le père Ike a décrit les conditions malsaines, insalubres et parfois violentes qui règnent dans les 49 prisons du Nigeria, pour beaucoup construites dans les années 1920 et 30, pendant la période coloniale britannique. Il n'y avait alors que 20 millions de Nigerians. Aujourd'hui, la population s'élève à 150 millions aujourd'hui.

Au Nigeria, 80% des 60 000 prisonniers ont passé en moyenne trois à cinq ans en détention en attente de leur procès. La plupart d'entre eux sont trop pauvres pour payer un accompagnement juridique ou pour verser les pots-de-vins nécessaires pour obtenir des soins médicaux ou des visites familiales, a-t-il affirmé.

Mais le père Ike ne perd pas espoir, rappelant que les chrétiens du Nigeria croient en un Dieu miséricordieux. L'organisation d'aumôniers qu'il a fondée au Nigeria en 1994 compte 300 aumôniers catholiques qui s'efforcent de mettre en pratique la miséricorde de Dieu en allant rendre visite aux détenus, a-t-il expliqué. L'organisation, dénommée World Catholic Prison Chaplains, envoie également des accompagnateurs pastoraux sur le terrain dans tous les pays africains, a-t-il dit à la correspondante d'ENInews.

“Il existe au sein de l'Eglise catholique en Afrique un courant de plus en plus important qui pense que l'aumônerie en milieu carcéral est au coeur de l'apostolat du Christ”, a déclaré le père Ike, qui est à la tête de l'Institut catholique pour le développement, la justice et la paix à Enugu, au Nigeria.

Au Brésil...

Au cours de la conférence, un autre intervenant a affirmé que l'Eglise catholique joue un rôle clé dans la surveillance des abus dans les prisons du Brésil. “Malheureusement, la torture est omniprésente et permanente”, a déclaré le frère oblat José de Jesus Filho. Avocat, le frère Filho dirige le programme d'accompagnement pastoral dans les prisons à la Conférence épiscopale du Brésil.

Un demi-million de Brésiliens sont incarcérés dans environ 5000 prisons et centres de détention, a indiqué le frère Filho. Chaque semaine, quelque 5500 bénévoles catholiques rendent visite aux prisonniers pour répondre à leurs besoins spirituels mais aussi pour écouter et observer les cas d'abus. Il est important de voir les détenus dans leur cellulle, leur bloc et à l'infirmerie, selon le frère Filho.

“En tant qu'assistants pastoraux, nous nous rendons dans les prisons quotidiennement et c'est de cette manière que nous nous efforçons de prévenir la torture. Notre présence permet de rappeler aux responsables des prisons qu'ils pourraient être l'objet de poursuites.”

...et aux Etats-Unis

Aux Etats-Unis, la défenseuse de la réforme carcérale Jean Bassinger soutient les droits des prisonniers depuis près de 40 ans. Depuis chez elle, à Des Moines, dans l'Iowa, elle milite aujourd'hui en faveur d'une réforme des prisons avec l'aide de législateurs de l'Etat et de représentants de l'administration pénitentiaire.

Jean Bassinger, méthodiste unie et infirmière à la retraite, défend depuis longtemps la cause des femmes en prison. Elle a vu certaines d'entre elles amenées à l'hôpital enchaînées alors qu'elles s'apprêtaient à accoucher.

“Il est important qu'on comprenne que les personnes qui se trouvent dans nos prisons sont pour la plupart des gens qui sont issus de milieux défavorisés au sein de notre société et qui n'ont pas accès au système judiciaire. Nos prisons ne sont pas conçues pour les réinsérer”, a-t-elle dit à la correspondante d'ENInews. Les Eglises se doivent de travailler avec les familles des personnes qui sortent de prison, qui sont sans emploi mais qui disposent des compétences pour travailler, a-t-elle ajouté.

Le pasteur Vincent Omegba, de l'Eglise rédemptrice de Dieu, une Eglise pentecôtiste de Denver, dans le Colorado, a ouvert un foyer de transition pour anciens détenus. Selon le pasteur Omegba, ancien avocat originaire du Nigeria, les responsables des autorités carcérales de Denver commencent à comprendre que “l'approche des organisations d'inspiration religieuse est plus efficace que bien d'autres efforts de réinsertion.”

Les Eglises doivent aller dans les prisons "intentionnellement", a-t-il affirmé. "Les Eglises protestantes, surtout, devraient s'engager davantage dans le ministère carcéral et la réinsertion." Les Eglises doivent prévoir le budget pour accomplir ce travail et former les personnes à la faire, a expliqué le pasteur Omegba.(920 mots-ENI-11-F-0026-JMP)