Les Églises perplexes face au projet fédéral de diagnostic préimplantatoire (DPI)
et Reinhard Kramm, www.reformiert.info
Mais les choses pourraient changer. Le DPI pourrait être possible lorsqu'un enfant est menacé de souffrir d'une maladie héréditaire grave. Mais c'est le peuple aura le dernier mot, vraisemblablement en 2013, car ce projet entraîne une modification de la Consitution fédérale.
Toutes les autres applications demeurent toutefois interdites. Il s'agit par exemple de la détection de la trisomie 21 ou de l’utilisation de « bébés médicaments» pour le don d’organes ou de tissus à des frères et sœurs malades.
Ce qui, au premier abord, peut sembler une préoccupation compréhensible – puisqu’il s’agit d’éviter à un enfant et à ses parents la souffrance provoquée par une grave maladie – apparaît comme une décision importante sur le plan moral. La question centrale est celle-ci : le DPI est-il compatible avec la protection de la vie humaine et le respect de la dignité humaine ?
En 2009, lors de la première procédure de consultation, 78% des personnes et institutions interrogées avaient approuvé le principe de l’autorisation du DPI. Ils avaient toutefois estimé que la règle selon laquelle il n’est pas possible de prélever sur une femme plus de trois ovules par cycle de traitement était pratiquement inapplicable.
Sur quoi, le Conseil fédéral a retravaillé le projet et l’a renvoyé en consultation cet été sous sa nouvelle forme. Le délai de la procédure de consultation concernant cette deuxième mouture d'une modification de l’article 119 de la Constitution fédérale a expiré fin septembre. Elle prévoit que huit embryons pourraient être développés par cycle de traitement en cas de procréation médicalement assistée avec diagnostic préimplantatoire.
La Commission nationale d’éthique dans le domaine de la médecine humaine, qui compte des juristes, des médecins et deux théologiens dans ses rangs, a approuvé les deux projets. Mais le premier projet comme le second se heurtent à la méfiance des Églises.
La Fédération des Églises protestantes de Suisse (FEPS) n’a publié cette fois-ci qu’une brève prise de position à l’intention des autorités fédérales. Simon Weber, porte-parole de la FEPS, en donne la raison principale : « Il faut d’abord préciser le statut des embryons en droit constitutionnel avant de modifier l’article 119. »
En clair, cela signifie qu’il convient avant tout de savoir si les embryons sont des êtres humains et, dans l’affirmative, à partir de quel moment ? Mais c’est précisément cette question qui fait l’objet de débats.
Dans le cadre des discussions entre théologiens et éthiciens on trouve, d’un côté, des points de vue comme celui de Johannes Fischer, théologien, professeur d’éthique et directeur de l’Institut d’éthique sociale à l’Université de Zurich. Selon lui, « parler de la dignité humaine des embryons n’est pas acceptable d’un point de vue éthique. »
« La dignité humaine concerne les êtres humains. Ne serait-ce que dans une perspective purement biologique, les embryons ne sont pas des êtres humains, mais des organismes, ce qui n’est pas la même chose que des personnes. » Selon M. Fischer, pour la tradition chrétienne, la notion d’être humain commence à la naissance (...).
Dignité humaineChez les catholiques, la position est plus marquée. Selon la Conférence des évêques suisses (CES), « le procédé du DPI qui a pour objectif d’éliminer des embryons ‘malades’ n’est pas compatible avec la dignité humaine inscrite dans la Constitution fédérale ». Ils disent comprendre évidemment la souffrance des couples qui savent qu’ils pourraient transmettre une maladie grave.
Mais le DPI ne serait pas ici la bonne solution. Les défenseurs du DPI, estiment les évêques, n’ont jusque là pas apporté la preuve que l’embryon humain n’était pas une personne. La Conférence des Evêques suit en cela la directive du Vatican pour qui l’ovule fécondé et l’embryon sont déjà une personne humaine.
Pour eux, la santé ne se limitent pas à un bon fonctionnement physique. Elle dépend aussi d’aspects psychologiques et sociaux. De nombreuses personnes seraient susceptibles de mener une vie pleine de sens en dépit de lourds handicaps, estiment-ils
Crainte d'une sorte d'"eugénisme"La CES comme la FEPS redoutent que l’autorisation du DPI ne fasse sauter des barrières, créant ainsi un précédent. Car à leur avis le DPI ouvre la voie à l’optimisation génétique des enfants issus de la fécondation in vitro ; on ferait ainsi « passer pour un droit le désir d’avoir un enfant sain », constate Simon Weber.
Le diagnostic préimplantatoire risquerait d’avoir des conséquences sur les enfants gravement malades ou handicapés dans notre société : des parents pourraient se sentir coupables de vouloir mener à terme une grossesse alors que l’enfant présente des problèmes de santé. (rr)
VOIR :
Embryons à l'essai? Faut pas croire sur la TSR.
LIRE :
Travaux législatifs en cours à Berne.
DPI - késaco?
Le diagnostic préimplantatoire (DPI) est un procédé médical au moyen duquel, dans le cadre d’une fécondation artificielle, des embryons sont examinés sur le plan génétique avant d’être implantés dans l’utérus en vue d'entraîner une grossesse. Après de nombreuses interventions, le DPI – qui existe déjà dans la plupart des pays européens – devrait également être autorisé en Suisse. Toutefois, seuls des couples ayant de graves problèmes héréditaires, devraient pouvoir y recourir. On va également pouvoir désormais conserver des embryons afin de ne plus devoir, comme le cas aujourd'hui, implanter tous les embryons dans l’utérus avec le risque d’une grossesse multiple.