Le « mariage pour tous » favorise le respect des singularités

Jérôme Bosch. Détail du Jardin des délices. / Jérôme Bosch. Détail du Jardin des délices.
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Jérôme Bosch. Détail du Jardin des délices.
Jérôme Bosch. Détail du Jardin des délices.

Le « mariage pour tous » favorise le respect des singularités

4 novembre 2019

En affirmant, en août dernier, que « l’homosexualité correspond aussi à la volonté créatrice de Dieu », Gottfried Locher, le président du conseil de la Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS), a relancé la difficile question du « mariage pour tous » et de la bénédiction du mariage de personnes de même sexe au sein des Eglises réformées. Comment faut-il interpréter ses propos ? Son positionnement vise-t-il à s’adapter aux évolutions de la société, comme le lui reprochent ses détracteurs, ou repose-t-il sur une authentique réflexion théologique ? Quoi qu’il en soit, son initiative nous incite à revoir notre compréhension de la sexualité humaine.

Une première approche consiste à réfléchir à partir de la théologie naturelle. Selon cette ancienne tradition théologique, ce que Dieu permet est strictement lié à ce qu’il a créé. On déduit ainsi de la nature biologique sexuée de l’être humain que sa sexualité ne peut être qu’hétérosexuelle, sous peine de corrompre l’ordre de la création. En affirmant que l’homosexualité correspond aussi à la création divine, le théologien bernois nous invite à repenser complètement notre façon de comprendre la nature humaine. C’est ce changement de paradigme qui suscite des résistances, au-delà de la question de l’homosexualité.

De nos jours, le chemin de la théologie naturelle est de moins en moins praticable pour diverses raisons. Premièrement, il n’est pas dit que tout ce qui est naturel soit conforme à l’éthique. Nos pulsions agressives, par exemple, sont naturelles et pourtant éthiquement contestables. Deuxièmement, les observations éthologiques montrent que les comportements homosexuels sont présents dans le monde animal, et que la sexualité s’y trouve bien plus diversifiée que prévu. Troisièmement, il n’est pas évident de mesurer l’influence des racines génétiques et épigénétiques de l’orientation sexuelle. Quatrièmement, la procréation médicalement assistée étend l’accession à la parentalité au-delà des possibilités offertes par la nature, ce qui pose de nouvelles questions. Il devient donc toujours plus difficile d’utiliser des arguments naturalistes pour justifier ou condamner un comportement sexuel comme l’homosexualité.

Observons à ce point que l’affirmation du président des réformés suisses évite la notion de « nature ». Il lie l’homosexualité à la volonté créatrice de Dieu. Selon le livre de la Genèse, l’homme est créé « à l’image de Dieu ». D’emblée, la création divine dépasse la seule nature biologique de l’homme. Elle englobe aussi les domaines de la culture et de l’expérience spirituelle. Si l’on peut tenter de définir une « nature » humaine réunissant les diverses dimensions de la création, il est aussi possible de considérer que chaque personne possède une nature singulière. Privilégiant cette dernière perspective, le « mariage pour tous » augmente la dignité accordée à des trajectoires sexuelles minoritaires, dont celle de l’homosexualité.

Dans notre civilisation, la compréhension de l’homosexualité n’est pas exempte de contradictions. Les Gender Studies soulignent que les modèles de genre et d’orientation sexuelle varient d’une culture à l’autre, et incitent donc les individus à façonner librement leur identité de genre et leur vie sexuelle. En sens contraire, on entend fréquemment, pour « défendre » les minorités sexuelles, que les individus disposent d’une marge de manœuvre réduite dans le choix de leur orientation sexuelle. Il serait difficile à quelqu’un qui se ressent homosexuel de pratiquer l’hétérosexualité, et inversement.

Ces réflexions invitent à penser la création divine comme étant celle d’une complexité de l’humain, au-delà de tout étiquetage sexuel et de toute distinction trop nette entre nature, culture et liberté. Dans cet univers de sens, on peut comprendre le couple ou la famille homosexuelle comme des possibilités de l’humain, avec leurs enjeux et leurs difficultés propres, en dehors de tout idéal de perfection.

D’un point de vue pastoral, on regrettera que l’orientation sexuelle soit régulièrement projetée sur le devant de la scène politique et sociale comme le principal critère moral de la vie familiale. D’autres critères comme la stabilité affective, la résistance à l’épreuve du temps, l’absence de violences et d’injustices familiales, sont des facteurs autant importants pour une éducation réussie que l’orientation sexuelle des adultes qui éduquent les enfants. Le clivage sans cesse réaffirmé entre homosexualité et hétérosexualité nous conduit à sous-estimer le critère théologique du couple par excellence, la qualité de l’amour partagé, et nous n’avons aucune raison de penser que cet amour soit moindre dans un couple de même sexe.

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