De quoi l’Eglise se mêle-t-elle ?

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[pas de légende]

De quoi l’Eglise se mêle-t-elle ?

28 octobre 2020

Les principales Eglises suisses ont pris position pour l’initiative pour des multinationales responsables et certaines font campagne activement. Est-ce bien leur tâche ? n’ont-elles pas mieux à faire ? ne doivent-elle pas laisser les personnes choisir elles-mêmes ce qu’elles considèrent juste de voter ?

Ces débat ressurgissent chaque fois que les Eglises prennent position sur des thèmes politiques. Pour certains, elles ne devraient pas prendre position publiquement mais seulement donner des éclairages pour permettre aux personnes de se situer. Pour d’autres, elles devraient se concentrer sur les questions « spirituelles » et éviter de tels sujets qui, en plus, divisent.

En relisant le Code de l’alliance, les plus anciennes lois que la tradition biblique a conservées et mises dans la bouche de Moïse comme paroles divinement inspirées, je suis frappé de voir tout ce dont traitent ces prescriptions. Voici un exemple : « Quand le bœuf d’un homme frappera mortellement le bœuf d’un autre, ils vendront le bœuf vivant et se partageront l’argent ; et la bête morte, ils la partageront aussi » (Exode 21,35). Comment se fait-il qu’une telle règle soit arrivée dans la Bible ? est-ce bien sa place ?

Le récit de l’Exode présente le Seigneur comme un Dieu qui souffre des injustices subies par son peuple et l’a libéré de l’esclavage en Egypte pour le conduire vers un pays fertile (Exode 3,7-8). Il est un Dieu de justice qui se soucie du concret de l’existence. Jésus avait aussi ce souci quand il nourrissait ou guérissait.

Croire en ce Dieu engage à vivre selon sa justice et à partager son souci des plus démunis ou de celles et ceux dont les droits sont spoliés. En reprenant le Code de l’alliance comme parole inspirée, ses rédacteurs le rappellent. La bienveillance du Seigneur dont je bénéficie m’inscrit dans son alliance pour partager cette bienveillance. La foi entraîne une éthique de la responsabilité envers l’autre. Jésus appelant ses disciples à le suivre est dans une même logique.

La confession du Seigneur comme seul Dieu pour son peuple implique finalement qu’il est le Seigneur de toute la vie. Il n’y a pas le Bon Dieu pour la vie intérieure et l’au-delà, le Profit pour les affaires et la Défense de mes Intérêts pour la politique. « Nul ne peut servir deux maîtres… ».

Quand les Eglises, en suivant leurs œuvres d’entraide, s’engagent pour rendre les multinationales suisses responsables de leurs actes, y compris à l’étranger, elles reconnaissent que la justice et la bienveillance de Dieu les obligent envers autrui. Elles ne peuvent pas se détourner des injustices commises, cautionner le règne de la corruption ou les destructions de l’environnement. A quoi sert-il de nourrir celles et ceux qui ont faim, de soigner les malades, de former les jeunes à des métiers et en même temps de laisser durer les accaparements qui affament, les pollutions qui rendent malades, les injustices qui privent d’avenir ?

Demander seulement aux entreprises de faire des rapports sur leurs activités ne suffit pas. Certaines le font déjà et passent sous silence des pratiques injustes, comme la campagne a mis en évidence.

Certains, au nom de leur foi peut-être, voteront non. C’est leur liberté et leur conscience. Ils peuvent avoir leurs raisons et aucune loi humaine n’est parfaite. L’Eglise rassemble comme frères et sœurs des personnes dont les avis sur les moyens à utiliser peuvent diverger. Cela ne doit pas l’empêcher de dire ce qu’elle croit juste et d’œuvrer pour davantage de justice et pour un développement durable.

Inviter à soutenir l’EPER ou Caritas n’est, à mes yeux, pas plus légitime que d’appeler à voter oui à l’initiative pour des multinationales responsables. Les deux appartiennent à une même cohérence et à une même conviction.

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