Au-delà...

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Au-delà...

8 mai 2023

L'existence de l'au-delà ne cesse de faire question même dans une société qui se veut hyper-sécularisée. Ceux qui en nient l'existence sont souvent partagés entre l'insupportable responsabilité de « garder les morts vivants » et l'impossibilité de trouver une consolation à la disparition d'un être aimé. Que répond le christianisme, lui qui affirme aussi la radicalité de notre mortalité (I Corinthiens 15.42b, 53-54)?

Trois auteurs qui dialoguent à la radio. Deux d'entre eux ont écrit sur le chagrin qui est le leur suite à la perte d'êtres très chers. Aucun des trois ne semble croire en une vie par delà la mort. En tous les cas ils ne se prononcent pas. Faute de preuves. A moins que ce soit par crainte d'être considérés comme des bigots. A un moment ils se disputent. Deux d'entre eux pensent que les morts ne subsistent que dans la mémoire des vivants. Le troisième les accuse d'ainsi par trop se détourner des vivants tant la responsabilité de maintenir ainsi les morts vivants est grande. Ainsi leur confrontation à la mort représente pour chacun d'eux une occasion de désespérer de cette vie. Deux portent l'énorme fardeau de maintenir vivants ceux qui sont morts. Le troisième, même s'il ne veut pas de ce fardeau, s'avoue inconsolable face à la mort d'un être cher. Que penser de leur débat en tant que chrétien ?

Disons d'emblée que, contrairement à ce que ces trois auteurs imaginent qu'est la foi chrétienne qu'ils considèrent de l'extérieur, je ne crois pas que l'on puisse dire que les morts et plus particulièrement nos chers disparus nous y attendent dans un ailleurs, que l'au-delà est peuplé de saints, qu'on y vivra incomparablement mieux que sur cette terre... Cela est possible. Tout est possible. Personne n'en sait rien. A ce propos on notera le dépouillement du Nouveau Testament en ce qui concerne la description de l'au-delà. Ce dépouillement pourrait même avoir quelque chose de polémique à l'égard de tenants d'autres religions. A la question « Qu'y a-t-il après la mort ? », je réponds que je n'en sais rien et que je défie quiconque de savoir quoi que ce soit. La seule chose que je puisse confesser, c'est que, par delà ma mort, comme en deçà de ma mort, il y a toujours Dieu.

Comment suis-je amené à ce genre d'affirmation ? D'abord pour moi, la foi chrétienne ne consiste pas en un catalogue de choses à croire parmi lesquelles il y aurait la résurrection des morts ou des corps, ou pire : l'immortalité de l'âme. La foi ne consiste pas en un certain nombre de vérités qu'il faudrait avaler pour être heureux et pour être consolé face à la mort – la mienne comme celle des autres. La foi est une manière de comprendre sa vie (et donc sa mort). Elle est qualifiée de foi dans la mesure où elle est fondée sur la confiance mise en la parole prononcée et incarnée par Jésus (Paul aux Romains 10,17 : « la foi vient de la parole »).

Selon cette parole, ma vie a un sens en dépit de tous les non-sens. Ma vie possède inconditionnellement une valeur même si personne ne me reconnaît quelque valeur que ce soit et même si ma vie me semble à moi sans valeur surtout si elle sera anéantie par ma mort... Si, selon cette parole, ma vie possède inconditionnellement une valeur infinie, seul un être absolu peut me l'avoir dite au travers de l'homme Jésus. De cette parole découle alors la certitude que, puisque j'ai une infinie valeur, ma vie a été voulue par celui qui la prononce : par Dieu. En termes classiques, il est mon créateur et ma vie est entre ses mains.

Maintenant si celui qui m'a adressé cette parole est absolu, la mort n'a pas de prise sur lui. Comme j'avais de la valeur pour lui avant même ma conception, j'en aurai encore après ma mort. Je subsisterai dans sa mémoire, même si dans quelques générations plus personne sur cette terre ne se souviendra de moi (Ecclésiaste 2.16). A partir de ces informations, Dieu sera susceptible de me ressusciter, c'est-à-dire de me recréer, moi qui étais complètement mort, sauf dans le souvenir – les livres – de Dieu (ex. : Apocalypse 20.12).

Conséquence pour mon présent : la mort n'est pas ou plus une préoccupation, un souci. Elle ne pose pas un signe négatif devant tout ce que je suis et fais. Elle ne rend pas absurde mon existence terrestre. L'important est que je sois dans les mains de Dieu maintenant, avec la certitude d'y être depuis toujours et pour toujours. Il ne m'appartient pas de préparer d'une manière ou d'une autre ma résurrection, d'obtenir par quelque mérite le droit d'être ressuscité, ou autres absurdités de ce genre. Je vaux inconditionnellement aux yeux de Dieu. Seul cela importe et libère mon présent de tout souci du lendemain.

Lesté de cette certitude, je puis aussi remettre à Dieu avec confiance ceux que j'aime. Il saura s'occuper d'eux. Je n'ai pas à porter pour le restant de mes jours le poids de les maintenir vivants en dépit de leur disparition. Je puis me centrer sur les vivants à qui j'ai pour tâche d'être témoin qu'ils valent eux aussi infiniment aux yeux de Dieu. Je ne suis pas non plus inconsolable, habité par une tristesse que rien ne peut chasser, sinon peut-être l'estompement que provoque le temps. Cette tristesse qui ne s'estompe que très lentement n'est-elle pas due au fait que j'ai l'impression d'avoir été spolié de quelque chose qui m'appartenait d'une certaine manière. Or les morts ne m'appartiennent plus. Ils ne m'ont du reste jamais appartenu. Ils ne m'étaient que prêtés pour un temps comme je leur étais prêté pour un temps. J'ai ma consolation : je suis certain qu'ils sont maintenant en de bonnes mains et que, comme le dit une liturgie de l'Eglise protestante unie de France, l'amour de Dieu gardera celui ou celle qui nous a quitté bien mieux que nos bras ne l'ont porté.

 

 

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