A qui adresser nos peurs devant l'immensité de la tâche ? (5/5)

FeVi : la devise "Ora et labora" projetée sur le sol / ©Michel Kocher
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FeVi : la devise "Ora et labora" projetée sur le sol
©Michel Kocher

A qui adresser nos peurs devant l'immensité de la tâche ? (5/5)

23 août 2019

Dimanche dernier l'Islande a dévoilé une plaque à la mémoire du premier glacier à avoir perdu son titre, tant il a fondu sous l'effet du réchauffement climatique. Cette plaque est une "lettre au futur" reconnaissant que "nous savons ce qui se passe et ce qui doit être fait". Le texte n'est pas une prière explicite mais une "confession des péchés" aux générations à venir: "Vous qui nous lisez vous saurez si nous avons fait le nécessaire". C'est l'aveu, en mots, de l'urgence, en actes, d'une nouvelle Alliance avec la nature.

La fête des Vignerons n'était pas non plus complètement aphone. L'espace d'un tableau, la devise "ora et labora" a été projetée sur le sol, puis reprise, avec pertinence par l'abbé-président lors de ses discours. C'est peu certes, mais c'est présent. Il faut dire que l'enjeu est de taille : à qui adresser nos peurs et le sentiment de nos limites devant l'immensité de la tâche ?

 

Ora et labora : le chemin d’un exode spirituel

 

Fait-il sens de porter devant Dieu, à Dieu, nos liens avec la nature ? Oui mais cela postule que nous soyons dans une posture, non seulement de repentance mais aussi d'écoute. Dans l'histoire de l'humanité les liens Dieu-homme expriment, dans une évolution lente et constante, la recherche d'une unité à remettre sur le métier, dans laquelle le rôle de la nature change. Il n'est que de penser à la logique sacrificielle. Le lien s'est exprimé sur le dos des animaux, via les sacrifices. Réels au départ, ils sont passés par différents stades de symbolisation, pour finir dans le pain partagé de la table familiale juive et la Cène dans le christianisme. Que de chemin parcouru pour transformer l'image d'un dieu qui a besoin de sang pour satisfaire sa colère. C'est une transition spirituelle intérieure. L'Alliance n'est pas un programme tout fait, sa clé profonde est la révélation de l'amour de Dieu. Il n'est que de penser à Jésus, moteur de changement en son temps : ce n'est pas ce que l'on mange qui rend impur, mais les paroles qui sortent de notre bouche (Mc 7).

 

L'Alliance n'est pas un programme tout fait, sa clé de voûte est l'amour de Dieu.

 

Pain pour le prochain, suivi récemment par l'Action de Carême ont lancé un laboratoire de transition intérieur. Ce n'est pas un hasard si le cadre de ce travail est celui d'une ONG mandatée pour développer une politique de développement responsable. Une éthique et des techniques respectueuses renvoient à l'image que l'on se fait des rapports avec la nature et finalement avec Dieu. Aujourd'hui la balle est dans le camp des églises et religions, la transition intérieure n'étant pas seulement éthique mais aussi théologique. Le chantier est grand car tant le judaïsme que le christianisme, n'ont pas fait de la méditation sur la nature un trait dominant de leurs prières. Le premier a médité sur son exil et le second sur le salut porté par le message évangélique. Aujourd'hui l'un et l'autre sont invités à relire leurs patrimoines, pour en dégager des ressources autant particulières dans leurs racines qu'universelles dans leurs portées.

 

Pour les monothéismes, l'urgence est une circoncision de la langue

 

Dans une version conservatrice mais très populaire et largement légitimée par les théologiens, l'Islam se présente comme la solution aux problèmes de la planète par le respect de la loi (charia) révélée. Cette posture, ancrée dans les religions révélées, ne promeut pas la transcendance de Dieu (pas plus que d'autres légalismes ou littéralismes d'ailleurs). Pour les monothéismes, l'urgence n'est pas seulement climatique elle est aussi théologique. Le chantier c'est une circoncision de la langue. Nous devons ligaturer nouvellement l'Alliance avec la nature. Au Sinaï, moment fondateur s'il en est, dans le buisson ardent, le nom de Dieu est imprononçable (Ex 3). Du respect de cet imprononçable, fondement de l'unité Dieu-homme-nature, naissent les commandements, ces lois de vie.

Faire Alliance c'est couper des liens pour en créer de nouveaux. C'est un exode. Il est impérieux pour les croyants, mais pas seulement. Les lois de la vie avec la nature naissent du travail d'observation scientifique. Ora et labora. Ces deux moments sont irréductibles. Les lois de la nature c'est le labora. L'ora c'est le temps d'en prendre la mesure et donc la distance. L'unité à chercher se trouve là.

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