Après 35 ans, c’est le tour d’un protestant romand

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[pas de légende]

Après 35 ans, c’est le tour d’un protestant romand

30 octobre 2020

Le poste de président de l’Église protestante de Suisse (EERS) est à repourvoir, lors de son prochain synode, le 2 novembre. Qui l’emportera pour représenter ses deux millions de membres? Deux femmes pasteures sont sur les rangs. Rita Famos de Zurich et Isabelle Graesslé du canton de Vaud (et de Genève). Les deux ont un CV à la hauteur, mais logiquement ce devrait être au tour de la Suisse romande. Le dernier président romand était le pasteur genevois Jean-Pierre Jornod… c’était il y a 35 ans! Un tiers de siècle marqué par des présidences alémaniques appréciables, parfois appréciées. La dernière, celle du Bernois Gottfried Locher laisse toutefois un drôle de goût, avec d’un côté un renforcement de l’institution, mais de l’autre un présumé scandale de mœurs (dont les arbitrages internes ont laissé à désirer) et un salaire qui se compare à celui de certains conseillers d’État. Pour tourner la page, une Romande serait bienvenue. Seulement voilà, il y a quelques semaines, je me suis laissé dire que les Suisses alémaniques ne seraient pas prêts à être représentés par une Latine.

 

Que voilà une curieuse considération en culture fédérale suisse, dont le protestantisme est l’une des matrices. Que cache cette attitude? Sans doute une méconnaissance de la candidate, qui n’a pas les réseaux qu’il faut outre-Sarine, alors même qu’elle est successeur de Calvin, en tant que première femme modératrice de la Compagnie des pasteurs et diacres. Il n’est pas incongru de s’interroger: cette attitude cacherait-elle une forme de condescendance et de méfiance à l’égard d’une culture «welche» perçue comme un brin décadente et d’Églises romandes plus durement marquées par la sécularisation que leurs consœurs alémaniques? Ce n’est pas impensable et somme toute assez compréhensible vu de Zurich ou Berne, deux «bastions» protestants. Est-ce pour autant visionnaire? On est en droit de s’interroger.

 

Pas besoin d’être un sociologue de la religion pour prédire une mutation du rôle des Églises dans la société suisse. Elle est déjà engagée, sans doute plus en Suisse romande qu’en Suisse alémanique, plus conservatrice en matière religieuse. Minoritaires, ouverts à tous, engagés sur les fronts de la solidarité et fidèles aux sources qui les ont portés, le chemin des Églises protestantes est tracé. C’est le programme et l’expérience que porte Isabelle Graesslé, qui fut directrice du Musée de la Réforme et récente co-organisatrice à Genève de l’exposition «Dieu(x), modes d’emploi» à Palexpo. Si une majorité de protestants suisses alémaniques ne se sentent pas portés par de telles perspectives, c’est leur droit. Celui des Romands serait de leur rappeler que la culture de management zurichoise ou bernoise, qui s’enracine souvent dans le triangle d’or économique suisse, n’est pas la seule matrice d’où peut émerger une vision éthique et spirituelle pour le protestantisme minoritaire de demain.

 

Chronique publiée initialement dans la Tribune de Genève et 24 Heures du 30 octobre 2020

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