Christianisme mort ou vif

Photo iStock, Aekkasit Rakrodjit
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Photo iStock, Aekkasit Rakrodjit

Christianisme mort ou vif

28 mars 2023

C'était le thème d'une intéressante soirée organisée par le Mouvement Pertinence  le 27 mars dernier au Sycomore à Lausanne, introduite par Michel Kocher. Mon propos n'est pas d'en faire un résumé mais plutôt de relever quelques aspects de ce thème important.

Bien souvent, on l'aborde sans le mettre en relation avec le contexte socio-politique dans lequel nous vivons. Pour l'idéologie néolibérale dominante, le religieux, au sens le plus large, n'a pas sa place dans l'espace public : il appartient exclusivement à la sphère privée. Quand les Eglises ont osé s'exprimer publiquement au sujet de l'initiative sur les multinationales responsables, les réactions ont été très fortes au sein des dirigeants politiques et économiques du pays. Nos œuvres d'entraide, Entraide protestante et Action de Carême ont été menacées de sanctions financières, alors même qu'elles n'ont pas utilisé le moindre centime destiné à leurs projets habituels pour cela !

La belle liberté chantée par les élites au pouvoir est alors apparue sous son vrai visage, celui d'un pouvoir autoritaire qui a de gros moyens pour se faire obéir. Ainsi l'initiative pour des multinationales responsables, acceptée par la majorité des votants, n'a toujours pas conduit à des règles plus contraignantes en Suisse malgré celles que prépare l'Europe.

Une laïcité étriquée, de gauche comme de droite, veut renvoyer le religieux à la sphère privée, ce qui arrange bien toutes celles et ceux dont la norme suprême est  la logique économique.

Nous idéalisons une liberté qui n'existe que dans les publicités commerciales et nos fantasmes. De manière bien plus réaliste, Jésus affirme : " Nul ne peut servir deux maîtres " (Mt 6,24); l'être humain obéit toujours à un maître. Permettez-moi de citer ici un bref extrait de mon livre [1].

" Dans notre société, le choix conscient ou non de millions de personnes, c’est de se placer sous la domination de la logique toute-puissante du Marché. La liberté de l’être humain ne consiste pas à se passer d’un maître mais à le choisir. Or le Christ est un maître d’un genre très particulier : il invite ses disciples à s’appuyer sur lui pour devenir libres. Toute sa pédagogie, à travers ses paraboles, consiste à les responsabiliser et à les aider à grandir. Dans l’évangile de Jean, peu avant de quitter ses disciples, il leur dit :

« Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur reste dans l’ignorance de ce que fait son maître; je vous appelle amis, parce que tout ce que j’ai entendu auprès de mon Père, je vous l’ai fait connaître. » (Jn 15, 15) "

Autrement dit, Jésus offre aux personnes qui lui font confiance un chemin vers une liberté, avec une méthode : soumettez-vous à moi … pour que je vous rende libres ! Cela peut sembler surprenant mais cela correspond à une vision bien plus réaliste de l’être humain que les discours idéologiques d’aujourd’hui sur la liberté.

L’apôtre Paul prolonge cette affirmation dans l’épître aux Galates:  "C’est pour que nous soyons vraiment libres que Christ nous a libérés. Tenez donc ferme et ne vous laissez pas remettre sous le joug de l’esclavage." (Ga 5, 1)

Aujourd'hui, le christianisme n'est pas seulement fragilisé par l'évolution de notre société. Il l'est aussi par notre manque de confiance fondamentale dans l'enseignement du Christ, tel que nous révèlent les Ecritures, et nos manques de courage qui le transforment en un sel qui a perdu sa saveur (Mt 5, 13).

Le christianisme mourra, peut-être, du moins sous ses formes actuelles. Mais ce ne sera pas le cas de l'Evangile qui est un message de Vie, au sens le plus fort du terme.

La Résurrection du Christ ne supprime ni la souffrance ni la mort mais les dépasse.

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[1]  Dis, pourquoi tu travailles ?  Ed. Ouverture 2012. Voir pp. 191-197

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