Le ministère féminin en pleine expansion depuis vingt ans

Le nombre de femmes ministres est en forte augmentation dans les Églises protestantes américaines. / @RNS/Adelle M. Banks
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Le nombre de femmes ministres est en forte augmentation dans les Églises protestantes américaines.
@RNS/Adelle M. Banks

Le ministère féminin en pleine expansion depuis vingt ans

Adelle M. Banks
5 novembre 2018
Égalité
Une récente étude montre que le nombre de femmes a plus que doublé parmi les ministres des principales Églises américaines.

Le nombre de femmes parmi les ministres des Églises américaines a doublé, voire triplé, ces vingt dernières années, révèle une nouvelle étude publiée au mois d’octobre. «J'ai été surprise du taux de progrès réalisés en vingt ans», s'étonne l'auteure de l'étude, Eileen Campbell-Reed, professeure associée au Séminaire théologique baptiste central à Nashville dans le Tennessee. «On entend souvent que le nombre de femmes dans les ministères ne bouge plus et que rien n'a vraiment changé. C’est absolument faux.»

Les deux traditions qui comptent le plus grand pourcentage de femmes parmi ses ministres sont l'Association universaliste unitarienne (Unitarian Universalist Association, UUA) et l'Église unie du Christ (United Church of Christ, UCC), selon l'étude. En 2017, 57% des ministres de l'UUA étaient des femmes et en 2015, ce chiffre atteignait 50% de l’UCC. En 1994, les femmes constituaient seulement 30% des ministres de l'UUA et 25% de l'UCC.

La présidente de l'UUA, Susan Frederick-Gray, attribue cette augmentation à la décision de l'Assemblée générale de 1970, demandant que davantage de femmes occupent des postes ministériels et politiques. Elle note qu'aujourd'hui, 60% des ministres de l'UUA sont des femmes. «Tout ce travail réalisé dans les années 1970 et 1980 m’a permis d’entrer dans le ministère début 2000, d'avoir du succès, de diriger des Églises prospères et d'être maintenant la première femme à la tête de l'UUA.» Eileen Campbell-Reed et une assistante de recherche ont rassemblé des statistiques qui n'avaient pas été recueillies depuis deux décennies dans quinze confessions.

La révérende Barbara Brown Zikmund, coauteure d'un livre écrit en 1998, «Le ministère féminin: un appel ascendant», a salué cette nouvelle étude comme une manière de commencer à combler l'écart dans les chiffres. «Bien que l'expérience des femmes, la vie et la direction des Églises aient changé radicalement au cours des deux dernières décennies, il n'y a pas eu d'études complètes sur les femmes et la direction de l'Église», a-t-elle dit.

Un changement radical

Le pasteur Davida Foy Crabtree, ministre à la retraite de l'UCC, a déclaré que les conclusions du rapport se reflétaient autour d'elle notamment à travers les récents événements au Séminaire Andover Newton. «Je regardais autour de moi et voyant tellement de femmes, je me suis souvenue que pendant mes années de séminaire dans les années 1960, nous étions très peu nombreuses», raconte Davida Foy Crabtree, conseillère et diplômée de l'école théologique. «C'est vraiment un changement radical concernant la consécration des femmes.»

Les recherches d’Eileen Campbell-Reed montrent que le pourcentage de femmes dans les Assemblées de Dieu, l'Église épiscopale et l'Église évangélique luthérienne en Amérique a triplé entre 1994 et 2017. Par contre, la chercheuse a aussi constaté que les ministères féminins - à l'exception des universalistes unitariens - continuent d’être à la traine derrière les hommes qui sont à la tête de leurs églises. Dans l'UCC par exemple, le ministère compte un nombre égal de femmes et d'hommes, mais seulement 38% des pasteurs de l'UCC sont des femmes. En revanche, beaucoup de femmes – ainsi que des hommes – occupent des rôles ministériels autres que celui de pasteur, par exemple aumônières, professeures et employés bénévoles.

Paula Nesbitt, présidente de l'Association pour la sociologie de la religion, rappelle que d'autres chercheurs observent depuis longtemps «l'écart persistant entre les sexes au sein des ministères notamment par rapport à la réussite et la compensation.» Pour les femmes de couleur, en particulier, l'écart reste important, et pour les femmes dans certaines Églises conservatrices, la consécration n'est pas une option.

Stigmatisation des femmes de couleur

Eileen Campbell-Reed remarque que les femmes de couleur ministres «restent une minorité évidente» dans la plupart des grandes dénominations. Celles qui sont arrivées au sommet des échelons dans leurs groupes religieux l'ont réussi après de nombreuses années de service, affirme-t-elle. «Certaines sont reconnues pour leurs contributions et leur travail, comme toute autre personne qui serait en place depuis longtemps, et sont élues pasteures dans leurs assemblées», explique-t-elle, parlant de dénominations comme l'Église méthodiste unie et l'Église évangélique luthérienne en Amérique (ELCA).

La professeure souligne également le rôle des femmes qui servent dans les églises malgré l’interdiction d’accéder aux postes pastoraux notamment chez la Convention baptiste du Sud et l'Église catholique romaine. Des femmes comme elle, qui ont quitté les baptistes du Sud, ont rejoint l’équipe pastorale de groupes dissidents comme l'Alliance des baptistes, où les femmes sont pasteures dans 40% de leurs Églises. Parallèlement, les femmes catholiques constituent 80% des laïques employées par l'Église, précise-t-elle.

Patricia Mei Yin Chang, coauteure du livre, «Le ministère féminin: un appel ascendant», explique que ces nouvelles statistiques soulèvent des questions sur leur signification, telles que les changements d'attitudes dans les Églises ou la diminution du nombre d'hommes dans les différents ministères. «Ces deux causes sont complètement différentes et peuvent changer suivant la dénomination», ajoute-t-elle.

Un sexisme latent

Eileen Campbell-Reed, dont le rapport de 20 pages se conclut par deux pages de questions pour les séminaires, les Eglises, les chercheurs et les théologiens, estime que les réponses concernant la recherche d’emploi souvent difficile pour les femmes d'église sont liées au sexisme. «Ce n'est pas parce que davantage de femmes occupent des postes dans l'Église ou sont consacrées, que les problèmes de sexisme ont disparu. Parfois, les préjugés sont plus implicites, mais pas moins réel.» Cependant, il existe des femmes qui atteignent le plus hautes chaires - c'est-à-dire des rôles de responsable dans des Eglises importantes - au lieu d'être reléguées à des congrégations en difficulté.

Susan Frederick-Gray confirme que sa dénomination, qui s'efforce d'établir l'égalité raciale et de genres, offre de plus grandes opportunités pour les femmes. Parmi les 41 plus grandes Églises de l'Association universaliste unitarienne, 20 d’entre elles sont présidées par des femmes. Les femmes présidentes, d'après Susan Frederick-Gray, sont essentielles à une époque de déclin pour de nombreuses religions. «Le déclin n'est pas la responsabilité des femmes. Et peut-être deviendrons-nous l'espoir pour l'avenir.»

En Suisse, 100 ans de pastorat féminin

Les premières femmes pasteures ont été ordonnées aux Etats-Unis au XIXe siècle. Mais en Europe, la Suisse a fait oeuvre de pionnière. L’ordination des premières femmes pasteures du continent a eu lieu il y a un siècle, le 27 octobre 1918, en l’Eglise réformée de Zurich qui a alors nommé deux femmes. Ces ordinations sont intervenues juste avant la grève générale de 1918, dans un contexte d’agitation propice au changement. «Les femmes voulaient prendre plus en plus de place. Elles demandaient l’accès aux études supérieures et aux mêmes professions que les hommes», explique Lauriane Savoy, historienne et assistante doctorante en théologie à l’Université de Genève. La chercheuse travaille actuellement sur une thèse consacrée à «l’ouverture du ministère pastoral à la mixité hommes-femmes dans les églises de Genève et Vaud». C. Andres/ RTS

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