11 septembre 2001, vingt ans après

© Mathieu Paillard
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© Mathieu Paillard

11 septembre 2001, vingt ans après

Matteo Silvestrini
27 septembre 2021
Justice
Le 11 septembre 2001 aura marqué une étape dans l’Histoire avec un grand «H». Vingt ans après, nous mesurons à quel point les réponses agressives aux événements qui peuvent nous arriver façonnent une approche problématique du monde. Vingt ans après, à l’époque de la Covid!

«Tuer un homme, ce n’est pas défendre une doctrine, c’est tuer un homme», écrivait en 1554 Sébastien Castellion, en dénonçant le bûcher de Michel Servet, condamné pour hérésie sur instigation d’un Calvin en mal de tolérance. En regardant l’actualité de nos jours, nous pourrions encore décliner sur elle cet adage «castellonien». Par exemple, «faire la guerre à l’Afghanistan, ce n’était pas exporter de la démocratie, c’était faire la guerre à l’Afghanistan». En effet, la plupart des guerres déclenchées avec les prétextes les plus nobles se sont révélées pour ce qu’elles sont: des agressions, des violences, des injustices. Nous avons toutes et tous sous les yeux les images de la fuite couarde et précipitée des Occidentaux. Comment ne pas mettre en perspective ces terribles visions de la chute des corps de ces malheureux Afghans des avions auxquels ils étaient accrochés, avec la vision tout aussi horrible de la chute des corps des tours jumelles, il y a tout juste vingt ans? Vingt années de gâchis, de guerres, de conflits entre peuples et religions. La violence appelle la violence. Il y a deux mille ans, un certain Jésus de Nazareth condamnait déjà le réflexe de vouloir combattre le mal par le mal. Nous qui sommes censés être ses disciples, nous avons parfois alimenté ces conflits, en faisant de lui l’initiateur d’une religion «identitariste», en promouvant l’idée absurde des «racines chrétiennes» de l’Occident.

Castellion l’avait déjà remarqué en son temps, nous avons un problème à conjuguer les notions de liberté, de justice, de respect et de responsabilité collective les uns pour les autres. Nous érigeons des barrières, nous façonnons des ennemis, et tout cela au nom d’une «liberté» qu’elle soit individuelle ou ethnico-religieuse. L’Afghanistan n’a plus de valeur stratégique pour l’Occident? On l’abandonne! Le changement climatique nous imposerait de faire des sacrifices pour les générations futures? Trop cher, trop compliqué, trop difficile! Une certaine épidémie nous demanderait d’être rationnels et de tout faire pour protéger les faibles? Trop invasif de nos libertés! Franchement, la situation est inquiétante. Je ne peux que faire miens les conseils que Castellion donnait à ses concitoyens français en 1562 et vous les reproposer: «Ne soyez pas si prompts à suivre ceux qui vous poussent à mettre la main aux armes.»

Zera Yacob est un philosophe éthiopien né en 1599. Il a prôné en Afrique la tolérance que Castillon défendait en Europe. Voici un extrait de son traité, qui dénonce la violence engendrée par les idéologies, sans fondement critique :

« O mon créateur, qui m’a créé avec une
intelligence, aide-moi à comprendre, car les
hommes manquent de sagesse et de véracité;
Pourquoi les hommes mentent-ils
sur des problèmes d’une telle importance au point
de se détruire eux-mêmes? Ils semblent agir ainsi
parce qu’ils prétendent connaître tout
lorsqu’ils ne savent rien !
Toi, Seigneur, tu aimes tous les êtres,
et n’as de dégoût pour rien de ce que tu as fait;
tu épargnes tout et tu as pitié de tous.
Zera Yacob

L’auteur de cette page D’origine italienne, Matteo Silvestrini, 46 ans, a étudié la théologie à l’Université de Lausanne. Il est actuellement pasteur dans le Jura bernois, à Villeret, où il exerce le ministère à temps partiel depuis 2004. A côté de son activité de pasteur, il enseigne le latin à l’école secondaire de Courtelary et l’éthiopien ancien (Gue'ez) à l’Université d’été en Langues de l’Orient, dont il est aussi le coordinateur.