Les Eglises romandes sereines face à la sortie du Da Vinci Code

légende / crédit photo
i
[pas de légende]

Les Eglises romandes sereines face à la sortie du Da Vinci Code

16 mai 2006
Faut-il avoir peur de l’effet Da Vinci Code, alors que le film sort aujourd’hui sur les écrans, ou au contraire s’en réjouir ? En Suisse romande, catholiques et protestants s’accordent à dire que le débat provoqué n’entame pas la foi mais invite les croyants à mieux la profiler
Certains sautent sur l’occasion pour répondre à la curiosité du public et l'inviter à étudier les textes bibliques et les écrits apocryphes.

Pour Fabrice Demarle, pasteur, responsable du secteur Jeunesse d'une paroisse de l’Eglise réformée évangélique de Neuchâtel (EREN), la sortie du film et le succès immense du thriller ésotérico-religieux de Dan Brown sont une occasion extraordinaire de rejoindre le questionnement des gens et de s’attacher à y répondre en leur proposant de travailler sur les textes pour y chercher la vérité. « C’est une occasion rêvée de renouveler l’intérêt pour les textes bibliques et les écrits apocryphes, qui, s’ils n’ont pas le même statut que les Evangiles canoniques, ne sont pas dénués d’intérêt, parce qu’ils témoignent de communautés chrétiennes tombées dans l’oubli. Le roman, truffé d’invraisemblances historiques, agit un peu comme la presse people, par ses côtés croustillants et par le thème de la conspiration actuellement très à la mode. La sortie du film va forcément raviver le débat sur certaines thèses problématiques de Dan Brown, concernant notamment Marie-Madeleine, dont la figure est mise en avant par le Da Vinci Code, non comme apôtre privilégiée, mais comme femme porteuse d’enfants. Dans la fiction de Dan Brown, Marie-Madeleine n’est pas prise au sérieux comme témoin privilégié et disciple du Christ. Elle assure simplement une descendance à Jésus. Or, le christianisme s’est construit sur une lignée de témoins, alors que le Da Vinci Code fait miroiter l’idée que la vérité est au bout d’une lignée dynastique ».

Mario Galgano, porte-parole de La Conférence des Evêques Suisses à Fribourg, spécialiste de l’histoire de l’Eglise dans notre pays au Moyen-Age, se montre serein. « Les chrétiens savent ce que leur foi leur dit, ils ne craignent pas que le film y change quelque chose". Il se félicite du discours suscité autour du message chrétien par le Da Vinci Code. « Le film peut aussi faire de la publicité au christianisme et attiser un intérêt pour les questions historiques et théologiques. A nous d’expliquer notre histoire et notre théologie et de replacer les choses. La Bible donne un sens à la vie, alors que le roman de Dan Brown lance une discussion mais ne change pas la foi ».

Un défi pour les Eglises

Nicolas Betticher, porte-parole de l’Evêché de Fribourg, Lausanne et Genève, se réjouit que le fait religieux passionne les foules. « Les gens cherchent visiblement, à travers la fiction, une réponse à leur besoin d’absolu. En ce sens, le film Da Vinci Code est un défi lancé aux Eglises. Le mystérieux attire depuis toujours. Les Eglises abordent le mystérieux avec prudence. Le livre et le film mélangent les genres : des lieux connus, des œuvres d’art uniques, des faits historiques. Le tout mélangé avec un zeste de scandale. C’est un peu la « boulevardisation » du phénomène religieux. A nous Eglises de rappeler le véritable message évangélique qui n’est pas un feu de paille, mais un message en profondeur ».

«Dangereux, le Da Vinci Code? », s’étonne Corinne Baumann, pasteure de l’Eglise réformée Berne-Jura-Soleure, « pour ma part, j’estime que les pamphlets d’extrême-droite, les incitations à la haine et au racisme sont autrement plus dangereux ». Le mérite du Da Vinci Code, pour la rédactrice de La Vie Protestante, est qu’il propose un bon suspense à l’américaine. Elle ne se frappe pas des hypothèses farfelues faites autour de Jésus : « Légende pour légende, le Da Vinci Code donne envie aux gens d’en savoir plus, et ça c’est positif. On pourrait imaginer dans la foulée, un jeu de rôles à faire au catéchisme sur le Da Vinci Code. Une chose est sûre, il ne faut pas le prendre le livre et le film pour plus qu’ils ne sont, un bon divertissement. Ni prendre les gens pour des imbéciles ! ».