Guérir grâce au « secret » : même l’hôpital y croit
4 avril 2006
A Sierre, les infirmières du service des grands brûlés possèdent une liste des personnes susceptible de soulager les blessés en invoquant les saints et en prononçant la formule adéquate
Pour Jérôme Debons, l’efficacité des « faiseurs de secret » résulte de ce que la communauté leur reconnaît le pouvoir de guérir.Qu’est-ce qu’une technique de soin efficace ? En marge de la journée organisée sur ce thème jeudi à l’université de Lausanne par la commission interdisciplinaire d’anthropologie médicale de la Société suisse d’Ethnologie, Jérôme Debons, assistant-doctorant, donne sa réponse au terme de l’enquête qu’il a menée en Valais auprès d’une dizaine de « faiseurs de secrets ». « Leur efficacité provient du pouvoir de guérir que la communauté leur reconnaît et de l’action du rituel qu’ils mettent en œuvre » pour soulager les brûlures, stopper les hémorragies, soigner une verrue ou une autre maladie de la peau. « Là où la médecine ne parvient pas à soigner, le secret prend le relais ».
Les « faiseurs de secrets » sont des personnes qui soignent à l’aide du secret, une formule incantatoire qu’elles ont reçue d’amis ou d’un membre de leur famille. Ils ont été choisis en raison de leurs qualités, soit parce qu’ils exerçaient le métier d’infirmier, parce qu’ils possèdent certaines qualités d’altruisme, un don inné de ressentir la douleur d’autrui, ou l’envie de guérir les autres. Le secret utilise des formules différentes selon que l’on veuille soigner une brûlure, stopper le sang, agir sur une douleur postopératoire ou chronique (maux de dos, de tête). « Il s’agit d’un type de formule magique visant à agir sur le monde. Pour soigner, le faiseur de secret invoquera aussi les saints, saint Laurent s’il s’agit d’une brûlure, Sainte Apolline pour les douleurs dentaires, la Vierge Marie ou Jésus. La majorité des faiseurs de secrets sont croyants, mais pas toujours pratiquants. Ils considèrent leur secret comme une clé et c’est Dieu qui, à travers ce secret, va aider leur patient », explique Jérôme Debons. A ceci s’ajoutent des symboles ou gestes rituels, tels le signe de croix, le fait de tracer un rond autour de la verrue à soigner ou d’y appliquer de la salive. Ces points de rencontre entre religion catholique et magie peuvent susciter la méfiance de curés pour lesquels « la prière est un acte désintéressé qui n’a pour but que de renforcer la foi du croyant ».
Le faiseur de secret désigné est tenu de l’utiliser. Son efficacité sera reconnue par le bouche-à-oreille de la communauté où il pratique ; son renom et sa popularité grandissent avec ses résultats positifs. «Ils agissent aussi à distance. A l’hôpital de Sierre, les infirmières ont des listes de faiseurs de secret pouvant être sollicités par téléphone. On raconte des anecdotes incroyables, telle cette femme victime d’une hémorragie interne après un accouchement, que rien ne semblait stopper, et dont le sang a cessé de couler dix minutes après avoir appelé une guérisseuse du Bouveret bien connue ». Ces rumeurs ou récits de guérison merveilleux soutiennent le succès des faiseurs de secrets, qui peuvent recevoir jusqu’à quarante appels par jour. La reconnaissance sociale des soignants passe aussi par les dons qu’ils reçoivent en échange de leurs services, la tradition voulant qu’ils ne demandent pas d’argent. Jérôme Debons pense que ces pratiques, appliquées à des problématiques diverses (angoisse, stress des examens, soins aux animaux, aide à des tiers non informés de la démarche), sont appelées à se développer.
Utile : « De l’efficacité : entre technique et symbole », journée interdisciplinaire organisée par la Commission interdisciplinaire d’anthropologie médicale de la Société suisse d’ethnologie avec l’unité d’anthropologie de la santé, Institut d’anthropologie et de sociologie, Université de Lausanne, bâtiment Amphimax, salle 414, jeudi 6 avril de 9h à 16h30
Les « faiseurs de secrets » sont des personnes qui soignent à l’aide du secret, une formule incantatoire qu’elles ont reçue d’amis ou d’un membre de leur famille. Ils ont été choisis en raison de leurs qualités, soit parce qu’ils exerçaient le métier d’infirmier, parce qu’ils possèdent certaines qualités d’altruisme, un don inné de ressentir la douleur d’autrui, ou l’envie de guérir les autres. Le secret utilise des formules différentes selon que l’on veuille soigner une brûlure, stopper le sang, agir sur une douleur postopératoire ou chronique (maux de dos, de tête). « Il s’agit d’un type de formule magique visant à agir sur le monde. Pour soigner, le faiseur de secret invoquera aussi les saints, saint Laurent s’il s’agit d’une brûlure, Sainte Apolline pour les douleurs dentaires, la Vierge Marie ou Jésus. La majorité des faiseurs de secrets sont croyants, mais pas toujours pratiquants. Ils considèrent leur secret comme une clé et c’est Dieu qui, à travers ce secret, va aider leur patient », explique Jérôme Debons. A ceci s’ajoutent des symboles ou gestes rituels, tels le signe de croix, le fait de tracer un rond autour de la verrue à soigner ou d’y appliquer de la salive. Ces points de rencontre entre religion catholique et magie peuvent susciter la méfiance de curés pour lesquels « la prière est un acte désintéressé qui n’a pour but que de renforcer la foi du croyant ».
Le faiseur de secret désigné est tenu de l’utiliser. Son efficacité sera reconnue par le bouche-à-oreille de la communauté où il pratique ; son renom et sa popularité grandissent avec ses résultats positifs. «Ils agissent aussi à distance. A l’hôpital de Sierre, les infirmières ont des listes de faiseurs de secret pouvant être sollicités par téléphone. On raconte des anecdotes incroyables, telle cette femme victime d’une hémorragie interne après un accouchement, que rien ne semblait stopper, et dont le sang a cessé de couler dix minutes après avoir appelé une guérisseuse du Bouveret bien connue ». Ces rumeurs ou récits de guérison merveilleux soutiennent le succès des faiseurs de secrets, qui peuvent recevoir jusqu’à quarante appels par jour. La reconnaissance sociale des soignants passe aussi par les dons qu’ils reçoivent en échange de leurs services, la tradition voulant qu’ils ne demandent pas d’argent. Jérôme Debons pense que ces pratiques, appliquées à des problématiques diverses (angoisse, stress des examens, soins aux animaux, aide à des tiers non informés de la démarche), sont appelées à se développer.
Utile : « De l’efficacité : entre technique et symbole », journée interdisciplinaire organisée par la Commission interdisciplinaire d’anthropologie médicale de la Société suisse d’ethnologie avec l’unité d’anthropologie de la santé, Institut d’anthropologie et de sociologie, Université de Lausanne, bâtiment Amphimax, salle 414, jeudi 6 avril de 9h à 16h30