Réfugiés : les Eglises font-elles trop de politique ?

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Réfugiés : les Eglises font-elles trop de politique ?

3 février 2006
En marge d’un débat à Lausanne, le prêtre Claude Ducarroz constate que les Eglises vaudoises s’engagent désormais fortement dans l’accueil des réfugiés
Ce courage politique peut être diversement goûté : « Il faut s’attendre à ce qu’il y ait contestation, refus, voire des gens qui quittent l’Eglise à cause de cela ».Pourquoi les Eglises s’engagent-elles dans la défense des réfugiés ? Invité à donner une réponse jeudi à Lausanne par la Société vaudoise de théologie, l’abbé Claude Ducarroz cite maints passages de la Bible incitant à adopter « une fraternité universelle, sans barrière ni frontière. Jésus lui-même n’a-t-il pas fait l’expérience de l’immigration, de tous les rejets et de l’exclusion ? » Pour ce prêtre, la parole « j’étais étranger, et vous m’avez accueilli » dicte un comportement qui doit être aussi celui des pasteurs et prêtres d’aujourd’hui. Il constate d’ailleurs « une progression du courage » depuis l’époque, voici près de vingt ans, où il s’était occupé du Refuge Saint-Amédée, à la paroisse de Bellevaux : « en ce temps-là, les autorités des Eglises marchaient sur des œufs. Il y avait davantage de crainte de heurter le canton et c’étaient plutôt les seconds rôles qui jouaient les prophètes ». Aujourd’hui, dans le canton de Vaud, l’engagement des autorités ecclésiastiques a « suscité une prise de conscience et une position forte de l’Eglise et des paroisses » en faveur de l’accueil des réfugiés. « Je pense que c’est un bien, mais il faut s’attendre à ce qu’il y ait contestation, refus, voire des gens qui quittent l’Eglise à cause de cela. Car il y a sûrement des paroissiens qui pensent que l’Eglise s’engage trop politiquement sur ce thème ».

« Il n’y a pas eu de consultation de la base à l’origine de notre action, cela n’était pas possible » : le père Jean-Pierre Barbey, médiateur Eglise-réfugiés, explique que c’est la mobilisation de personnes « indignées par le traitement arbitraire de certains cas » qui est à l’origine de l’action en faveur du groupe dit des « 523 ». Aux paroissiens surpris de voir l’Eglise s’avancer sur un terrain politique, Jean-Pierre Barbey rétorque qu’il ne défend « ni une politique de gauche, ni de droit, ni du centre. Il ne s’agit que de répondre à un appel de détresse des gens. » Au vicariat épiscopal du canton de Vaud, Jean-Marc Zwissig, membre du conseil de l’église catholique, ne se souvient que de deux lettres de paroissiens qui s’inquiétaient de la mise à disposition de locaux dans un but de refuge. « Une Charte signée par les responsables de paroisse à ce sujet a tranquillisé les esprits. Concrètement, c’est toujours le conseil de paroisse propriétaire des locaux qui décide d’accueillir ou non la maison des migrations (ndlr : mise à disposition de locaux pour accueillir une ou plusieurs familles de requérants d’asile menacée d’expulsion). Là où le problème était trop important, nous avons renoncé mais il ne s’agit que de refus isolés ».

Brigitte Zilocchi, diacre réformée et médiatrice Eglise-réfugiés, constate qu’« un effet boule-de-neige a été suscité par le soutien du Conseil synodal. Actuellement, nous avons 73 parrainages de réfugiés en route, ce qui signifie au minimum 146 parrains », chaque personne étant soutenue par un membre de l’Eglise et par un membre de la société civile. Le politique est étroitement associé à la démarche, puisque 17 députés sont impliqués dans ces parrainages. Tout le monde ne goûte pas cet engagement de l’Eglise. Brigitte Zilocchi constate: « Nous ne sommes pas trop invités dans certaines paroisses ». A Vugelles La Mothe, par exemple, où cette catéchète a entretenu un débat « enthousiaste avec les enfants, il leur a été difficile de partager leur sentiment avec leurs parents une fois de retour à la maison ».

Pour Laurent Schwed, membre du Parti socialiste et représentant de la communauté israélite de Lausanne et du canton de Vaud (CILV), « le statut d’utilité publique que prévoit de nous accorder l’Etat nous donne une responsabilité publique de nous exprimer sur le sujet de l’accueil des réfugiés et de contribuer à y trouver des solutions ». Sa communauté, qui représente quelque 2000 personnes, accorde un large soutien à cette thématique « car, historiquement, cela fait partie de notre éthique ».