Vaud: mise à l'écart des enfants pendant le culte ?"L'église, c'est aussi la maison des petits"
Ce dimanche-là au culte à Ecublens près de Lausanne, on célébrait un baptême au temple. La famille du baptisé était réunie au grand complet. Se trouvaient là des gens qui ne mettent jamais les pieds à l’église, hormis lors d’un mariage ou d’un enterrement. Sitôt le bébé baptisé en début de culte, tous les enfants de l’assemblée, cousins, neveux, amis du nourrisson, furent priés de rejoindre la garderie organisée à leur intention pour y poursuivre la célébration dans un langage à leur portée. Louable intention qui a été ressentie par certains comme une maladresse. « Si c’est ainsi que l’Eglise veut assurer la relève, elle s’y prend mal ! », commenta l’un des invités qui ne fréquente pas les cultes mais se révèle soucieux de voir assurée la transmission de sa culture chrétienne. Un autre renchérit : « Jésus ne dit-il pas dans les Evangiles : Laissez venir à moi les petits enfants ? ».
En charge de la paroisse d’Ecublens (VD), le pasteur François de Charrière essaie de contenter tout le monde, les paroissiens qui veulent écouter en paix la prédication qui leur est destinée, et les parents qui souhaitent que leurs rejetons se familiarisent avec les lieux de culte et comprennent peu à peu qu’ils entrent dans une communauté qui a ses rites. C’est pourquoi la paroisse organise des célébrations tout exprès pour les 0 à 6 ans quatre fois par an en fin de dimanche, qu’évitent soigneusement ceux qui se sentent importunés par les enfants ; elle a aussi mis sur pied une garderie pendant le culte dominical, où le thème de la prédication est développé avec les enfants, avec des mots qu’ils peuvent aisément comprendre, et avec des jeux, prétextes à les faire bouger et à participer activement à la rencontre.
A Jouxtens, un garçonnet de deux ans et sa grand-mère écoutent l’organiste qui répète des cantiques un peu avant le début du culte. Le pasteur Timothée Reymond les invite spontanément à assister au culte aussi longtemps que le cœur leur en dit. « Si l’on ne permet pas aux enfants de vivre cela, les familles seront dégoûtées et se détourneront de l’Eglise », fait-il remarquer lors d’un entretien téléphonique.
« On a affaire à une société qui perçoit les enfants comme dérangeants, déplore Rosemarie Chopard, ministre au service cantonal de l’Enfance (0-13 ans) de l’Eglise réformée vaudoise (EERV) ; de façon générale, les parents d’enfants en âge préscolaire se sentent souvent jugés et s’attirent fréquemment des commentaires désagréables sur leur façon d’éduquer leurs enfants. Or dans les paroisses, on a affaire à deux publics différents, l’un plutôt âgé, qui est là pour écouter la Parole et se constituer un réseau social à travers la communauté, et de l’autre les familles, plutôt marginalisées, car l’essentiel des activités destinées aux enfants se passent ailleurs que dans l’église, souvent dans des locaux annexes. La communauté paroissiale ne sait souvent même pas qui enseigne les petits, et ne connaît pas les animateurs qui s’occupent d’eux. Il y a une césure tout à fait regrettable ».
Pour la ministre de l’EERV, le culte devrait être un lieu convivial et accueillant pour chacun par excellence, puisqu’il est en fait la seule occasion de réunir les générations et d’intégrer les familles avec de jeunes enfants. « Aussi longtemps qu’on s’adresse à un public cible de façon élaborée, on exclut tous ceux qui n’entrent pas dans cette catégorie », estime la jeune femme qui voit dans les balades en montagne qu’elle organise avec des jeunes et vieux, au rythme des plus faibles, l’exemple de ce que devrait être une célébration qui convienne aussi aux enfants, avec des mots, des gestes, qui puissent toucher chacun. Son collègue Philippe Corset, diacre de paroisse en charge des 0-13 ans et de leurs familles, renchérit : » Ce que les plus petits peuvent comprendre, les plus grands le comprennent aussi, le contraire n’est pas possible ».
« On se plaint que les gens ne viennent plus à l’église, enchaîne Rosemarie Chopard, mais que fait-on pour qu’ils soient présents et pour que les jeunes, qui sont l’avenir des paroisses, perçoivent l’église comme leur maison ? Si l’on ne permet pas aux enfants de vivre cela, les familles seront dégoûtées et se détourneront de l’Eglise ». Et la jeune femme de poursuivre : « Pour que le catéchisme ne soit pas la bête noire des enfants et des catéchètes, il faut intégrer les jeunes bien avant l’âge du fameux caté. Il faut avoir le courage de réfléchir pour donner un autre souffle à sa communauté et oser vivre les choses autrement que par le leurs proches lors de camps, si l’on veut être en phase avec une société qui a besoin de repères». Rosemarie Chopard n’a pas peur de dire tout haut ce que d’autres disent tout bas.