L’Open Forum de Davos, poil à gratter du grand raout économique

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L’Open Forum de Davos, poil à gratter du grand raout économique

13 janvier 2005
Alors que le World Economic Forum de Davos se tiendra fin janvier, la FEPS et Pain pour le prochain présente le programme de l’Open Forum
Interview de l’éthicien Christoph Stückelberger, l’un des organisateurs de l’événement. Le World Economic Forum de Davos (WEF), se déroulera du 26 au 30 janvier prochains, autour du thème « prendre la responsabilité de décisions dures ». En attendant, ce sont les opposants au traditionnel rendez-vous international qui se trouvent au coeur de l’actualité : Depuis quelques jours, les restrictions policières annoncées pour leur manifestation du 22 janvier sur la place fédérale suscitent la polémique.

Par ailleurs, deux contre sommets ont déjà annoncé leur programme :

« Public Eye on Davos », d’abord, dont les organisateurs ont fustigé le mot d’ordre choisi par le WEF. Lors de ces Journées alternatives seront notamment désignées les quatre sociétés considérées comme les plus indignes sur le plan écologique et social. C’est maintenant au tour de l’Open Forum, mis sur pied conjointement par la Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS), Pain pour le prochain (PPP) et le WEF, de préciser ses desseins pour cette année. « Nos débats porteront sur la question de savoir dans quelles conditions les activités économiques peuvent respecter l’éthique », explique Christoph Stückelberger, directeur de l’Institut de théologie et d’éthique de la FEPS.

Longtemps secrétaire général de PPP, ce pasteur a publié plusieurs ouvrages remarqués en matière d’éthique économique et environnementale. Interview.

- Pourquoi une 3e éditons de l’Open Forum ?

Les deux précédentes ont rencontré un succès certain, avec plus de 2000 participants à chaque fois. Nous pensons qu’il existe un intérêt au sein de la population – qui n’a pas accès au WEF – pour des débats approfondis autour de thématiques qui touchent tout le monde, et ne doivent pas être réservés aux élites.

- Comment définiriez-vous l’apport des Eglises ou de PPP au sein de la mouvance altermondialiste ?

Avec d’autres, mais en ce qui nous concerne au nom de l’Evangile, nous appelons avec constance au respect de valeurs fondamentales comme la paix, la justice ou la défense de la Création. Nous sommes soucieux de la prise en compte des réalités humaines au delà des chiffres et des statistiques, de la défense des plus faibles, des victimes de la globalisation. Notre conviction, qui n’est pas celle de tous, est qu’il faut motiver les puissants à coopérer sur ces questions, même si cela prend beaucoup de temps.

- Justement, les ONG ayant fait le choix de l’indépendance vous reprochent de servir de caution morale au WEF qui participe à votre comité d’organisation

L’Open Forum n’est qu’un instrument parmi d’autres dans le but commun d’influencer l’économie et la politique. Le Public Eye, par exemple, ne souhaite pas collaborer avec le WEF. Pour notre part, nous tentons de dresser un pont entre le WEF et la société. Nos approches sont complémentaires, et non opposées. De plus, théologiquement, il existe la conviction que l’économie, comme chaque domaine de l’activité humaine, doit être responsable devant Dieu. Par ailleurs, je ne crois pas qu’il existe une unité doctrinale au sein du WEF. Les divergences y sont beaucoup plus grandes qu’on se l’imagine de l’extérieur. L’année dernière, par exemple, l’opposition à la guerre en Irak était forte parmi les politiciens, mais aussi chez les économistes et les managers.

- Open Forum, Public Eye, Forum social mondial, manifestations anti G8 : les nombreuses formes d’opposition au libéralisme économique ne semblent pas changer le monde. Comment rester motiver dans ce contexte ?

Bien sûr, un débat de deux heures ne renversera pas le cours des choses, que ce soit à Davos ou à Porto Alegre. Mais il faut des lieux où réfléchir à des alternatives, à d’autres voies possibles. On tente aussi d’influencer les partenaires présents, les décideurs. Et même si cela ne saute pas aux yeux, même si l’on constate parfois des reculs, il existe aussi des victoires. C’est le cas des micro-crédits : considérés autrefois comme farfelus, on les considère de plus en plus comme un excellent instrument de développement. De même avec la question du désendettement, qui jouit désormais d’une certaine reconnaissance politique.