« Le Coran, Jésus et le judaïsme »
29 juillet 2004
Pour éviter l’hostilité comme l’indifférence dans les relations entre les trois grands monothéismes, il convient d’explorer une troisième voie, celle de l’invention d’une nouvelle théologie des religions propre à chaque confession
Telle est la thèse de ce livre passionnant. Les relations entres judaïsme, christianisme et islam ne cessent d’osciller entre dialogue et défiance. Comme le rappelle Alain Houziaux dans sa préface de Le Coran, Jésus et le judaïsme, « le religieux est par excellence le domaine où il n’est pas possible d’adopter un point de vue extérieur à sa propre confession. (…) Le croyant ne peut se faire l’observateur de sa propre foi ». Pour le pasteur français, qui co-écrit cet ouvrage avec cheikh Khaled Bentounès et Gérard Israël, historien du judaïsme, il faut donc trouver d’autres voies que le dialogue d’égal à égal.
Ce sont ces chemins de traverse débouchant sur une rencontre renouvelée des trois monothéismes qu’explore ce livre, dans la continuation de l’idée énoncée par un professeur canadien. Ce dernier propose que chaque tradition élabore une « théologie des religions » qui lui soit propre et lui permette de définir la légitimité des autres religions. Selon Alain Houziaux, christianisme et islam devraient ainsi « rechercher une compréhension de leur apparition à partir du judaïsme », qui constitue pour tous deux une même matrice. De son côté, « le judaïsme devrait chercher à comprendre en quoi le christianisme et l’islam, qui sont ses descendants, se réclament et se distinguent de lui ». Ainsi, chaque religion aurait sa « fonction » propre : le judaïsme viserait à « rester sain, c’est-à-dire séparé des nations non juives, pour vivre la Loi dans toute son exigence ». Le christianisme deviendrait dès lors la possibilité « d’incarner cette exigence pour tous les hommes, en suscitant « une communauté, l’Eglise, constituée autour de sacrements spécifiques ». L’islam, enfin, « tout en assumant la tradition judéo-chrétienne, pourrait se considérer comme le monothéisme naturel de l’ensemble de l’humanité, avec une confession de foi et des règles aussi simples qu’universelles ». Entre homme et DieuDe son côté, Gérard Israël se penche non sur le pourquoi, mais sur le « comment » de ces transmissions et divergences. Comment les premiers chrétiens, et en particulier Paul, se sont-ils dégagés de la religion d’Israël tout en continuant à s’y référer ? De quelle manière l’islam, deux mille ans après Moïse et un demi millénaire après Jésus, a-t-il pu « prôner une religion nouvelle et définitive, sans pour autant rompre avec les deux premières révélations » ? Gérard Israël s’arrête longuement sur la figure du Messie, dont on sait qu’elle constitue à la fois le carrefour et le point de séparation des trois traditions. Tout aussi difficile est de tenter de les regrouper autour de la question de l’homme, le péché originel ignoré par l’islam constituant d’emblée un important écueil.
Khaled Bentounès, enfin, rappelle l’émergence du monothéisme juif à partir de l’animisme et du polythéisme ; et caractérise le Dieu d’Israël comme un « Dieu national ». Dans cette optique, Jésus « dénationalise le Dieu des juifs et le propose à tous les hommes », alors que l’adoption du christianisme par l’empereur Constantin opérera exactement le chemin inverse, le christianisme devenant le corrélat de certains Etats. Insistant – de manière peut-être un peu angélique - sur l’importance de Jésus dans le Coran, le cheikh souligne l’universalisme de l’islam, pour lequel « toute créature est le minaret d’un nom divin ». Selon lui, la théocratie autarcique voulue par les islamistes est donc contraire à l’esprit du Coran, dans lequel le Prophète lui-même affirme que « la pluralité des points de vue est une bénédiction ». Ainsi, pour Khaled Bentounès, le Coran enseigne l’appartenance de tout homme à une même grande famille et la possibilité pour chaque croyant de retrouver dans sa propre religion « la vérité universelle de l’islam qui est celle du Dieu unique ». UTILE
Gérard Israël, Alain Houziaux, Khaled Bentounès, "Le Coran, Jésus et le judaïsme", éd. Desclée De Brouwer, 2004
Ce sont ces chemins de traverse débouchant sur une rencontre renouvelée des trois monothéismes qu’explore ce livre, dans la continuation de l’idée énoncée par un professeur canadien. Ce dernier propose que chaque tradition élabore une « théologie des religions » qui lui soit propre et lui permette de définir la légitimité des autres religions. Selon Alain Houziaux, christianisme et islam devraient ainsi « rechercher une compréhension de leur apparition à partir du judaïsme », qui constitue pour tous deux une même matrice. De son côté, « le judaïsme devrait chercher à comprendre en quoi le christianisme et l’islam, qui sont ses descendants, se réclament et se distinguent de lui ». Ainsi, chaque religion aurait sa « fonction » propre : le judaïsme viserait à « rester sain, c’est-à-dire séparé des nations non juives, pour vivre la Loi dans toute son exigence ». Le christianisme deviendrait dès lors la possibilité « d’incarner cette exigence pour tous les hommes, en suscitant « une communauté, l’Eglise, constituée autour de sacrements spécifiques ». L’islam, enfin, « tout en assumant la tradition judéo-chrétienne, pourrait se considérer comme le monothéisme naturel de l’ensemble de l’humanité, avec une confession de foi et des règles aussi simples qu’universelles ». Entre homme et DieuDe son côté, Gérard Israël se penche non sur le pourquoi, mais sur le « comment » de ces transmissions et divergences. Comment les premiers chrétiens, et en particulier Paul, se sont-ils dégagés de la religion d’Israël tout en continuant à s’y référer ? De quelle manière l’islam, deux mille ans après Moïse et un demi millénaire après Jésus, a-t-il pu « prôner une religion nouvelle et définitive, sans pour autant rompre avec les deux premières révélations » ? Gérard Israël s’arrête longuement sur la figure du Messie, dont on sait qu’elle constitue à la fois le carrefour et le point de séparation des trois traditions. Tout aussi difficile est de tenter de les regrouper autour de la question de l’homme, le péché originel ignoré par l’islam constituant d’emblée un important écueil.
Khaled Bentounès, enfin, rappelle l’émergence du monothéisme juif à partir de l’animisme et du polythéisme ; et caractérise le Dieu d’Israël comme un « Dieu national ». Dans cette optique, Jésus « dénationalise le Dieu des juifs et le propose à tous les hommes », alors que l’adoption du christianisme par l’empereur Constantin opérera exactement le chemin inverse, le christianisme devenant le corrélat de certains Etats. Insistant – de manière peut-être un peu angélique - sur l’importance de Jésus dans le Coran, le cheikh souligne l’universalisme de l’islam, pour lequel « toute créature est le minaret d’un nom divin ». Selon lui, la théocratie autarcique voulue par les islamistes est donc contraire à l’esprit du Coran, dans lequel le Prophète lui-même affirme que « la pluralité des points de vue est une bénédiction ». Ainsi, pour Khaled Bentounès, le Coran enseigne l’appartenance de tout homme à une même grande famille et la possibilité pour chaque croyant de retrouver dans sa propre religion « la vérité universelle de l’islam qui est celle du Dieu unique ». UTILE
Gérard Israël, Alain Houziaux, Khaled Bentounès, "Le Coran, Jésus et le judaïsme", éd. Desclée De Brouwer, 2004