Référendum et initiatives: une soupape de sécurité 1/2

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Référendum et initiatives: une soupape de sécurité 1/2

Équilibre
La démocratie suisse est épargnée par la contestation ou le rejet violent, qui traverse d’autres pays européens. Son système politique, qui laisse une place prépondérante aux citoyens, assure une stabilité nettement plus grande. Eclairage d'Olivier Meuwly, docteur en droit et ès lettres, chef de projet à Statistique Vaud.

Les démocraties représentatives en vigueur dans les pays européens subissent actuellement une véritable crise. Selon Olivier Meuwly, le lien entre la société et l’Etat se fragilise, soit parce qu’une partie de la population ne se sent pas représentée ou parce que le système génère un Etat technocratique: «Il y a un problème d’équilibre entre le peuple et le pouvoir qui met en danger la relation de confiance.» L’historien note que le rapport des Suisses avec leur gouvernement est nettement moins mauvais: «Les fameuses piqûres de rappel que sont les référendums et les initiatives y sont pour beaucoup. Elles donnent au peuple un moyen d’intervention avec une décision à la fin: c’est oui ou c’est non!»

Affronter les sujets

Olivier Meuwly est convaincu qu’une des fonctions de la démocratie directe est de servir de soupape de sécurité face aux idées de toutes sortes: «Contrairement à ce que disent certains médias étrangers, la démocratie directe n’est pas un facteur de populisme, mais de canalisation du populisme.» Le système suisse avec ses procédures permet de débattre de n’importe quel sujet : «Dans d’autres pays, on peut toujours glisser le sujet sous le tapis, et faire en sorte qu’il n’existe pas… en Suisse non!» L’historien cite pour exemple l’initiative pour l’interdiction de la construction de minaret de 2009: «Personne ne voulait se saisir du sujet qui était plus que périlleux. Il a été mis sur la table, discuté et soumis au vote du peuple.» Même si le contenu de l’initiative, qui a été acceptée par 57,5 % de la population, reste encore aujourd’hui discutable et peut être assimilée à une politique nationale conservatrice, les Suisses ont pris le taureau par les cornes. «Cela fait maintenant plus de trente ans que la Confédération se confronte avec ces idées et réussit d’une certaine manière à les ‹absorber›. En France, à force de vouloir cacher le problème, il risque de revenir en force. Marine Le Pen et son parti n’ont jamais été aussi proches du pouvoir. Une fois le Parlement acquis, c’est fichu, il n’y a plus aucune barrière», analyse l’historien.

Un modèle idéal?

Bien qu’étant un fervent défenseur de la démocratie directe, Olivier Meuwly est conscient que le système suisse n’est pas à l’abri de certaines dérives: «Je pense que le système suisse garantit la démocratie, mais qu’il y a toujours des failles et des dangers.» Il juge qu’il est important de cultiver la culture de la démocratie directe et de sensibiliser les citoyens à son usage, à son histoire et de les informer, de la manière la plus objective possible, sur les objets soumis au vote: «Le pire ennemi de la démocratie directe, c’est l’ignorance!»

Une canalisation du populisme

Pour lui, il est également très important que les cantons et les communes puissent garder une grande marge de manoeuvre dans des domaines tels que la santé, l’éducation ou les questions d’intégration: «Le fédéralisme est très lié à la démocratie directe, il ne faut surtout pas tenter de dissocier les deux. Je déplore les tendances à la centralisation qui s’accélèrent.» Pour lui, la fameuse formule magique, qui règle de manière tacite la répartition des sièges au Conseil fédéral, est aussi un élément clé du fonctionnement politique suisse. Si elle était remise en question de manière radicale, elle pourrait avoir des conséquences graves sur le fonctionnement des institutions.

Olivier Meuwly

Fédéralisme et démocratie directe

Dans un ouvrage paru l’année dernière, Olivier Meuwly retrace le lien des Helvètes à leur système politique. Il revient notamment sur le mythe de la Landsgemeinde, souvent brandi comme la Genèse de la démocratie directe: « Bien que la situation politique ne fût pas du tout pareille à l’époque elle a servi d’idéal à plusieurs théoriciens du XIXe siècle». L’apprentissage du fonctionnement politique que nous connaissons aujourd’hui commence dès le XVIe siècle. Elle se rapprochera de sa forme actuelle à la suite de la guerre civile du Sonderbund qui opposait cantons catholiques et protestants en 1847. «On a tendance à croire que la démocratie directe est née dans les cantons protestants du plateau suisse protestant, mais ce n’est pas si simple», analyse l’historien. Pour lui, sa création réside avant tout dans la volonté de réinstaurer un dialogue au sein d’une Confédération notoirement divisée: «Dans les années 1870, c’est la majorité protestante qui a donné les outils à la minorité catholique de remettre les choses en question. C’est donc le pouvoir qui a donné les moyens à l’opposition de s’exprimer.»

Photo: © UNIL - Nicole Chuard

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