Neuchâtel veut reconnaître des communautés, pas des religions

Le 26 septembre, les Neuchâtelois voteront sur la «Loi sur la reconnaissance d’intérêt public des communautés religieuses» / IStock
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Le 26 septembre, les Neuchâtelois voteront sur la «Loi sur la reconnaissance d’intérêt public des communautés religieuses»
IStock

Neuchâtel veut reconnaître des communautés, pas des religions

3 septembre 2021
Lors d’une soirée-débat organisée par le milieu réformé neuchâtelois, les sensibilités PLR et PS, en opposition au sujet de la loi sur la reconnaissance des communautés religieuses, ont souhaité informer le public sur les enjeux de la votation prévue le 26 septembre.

«Une commune humanité», assène Isabelle Ott-Baechler. Le ton est donné, mercredi 1er septembre, lors d’une soirée intitulée «La laïcité à la neuchâteloise», organisée par la Société des pasteurs et ministres neuchâtelois, et à laquelle ont notamment pris part conseillers paroissiaux, communaux et autres élus* du canton.

Pour l’ancienne présidente du Conseil synodal de l’Église évangélique réformée du canton de Neuchâtel (EREN) et l’une des organisatrices de l’événement, la prochaine votation du 26 septembre autour de la «Loi sur la reconnaissance d’intérêt public des communautés religieuses» est synonyme d’espoir pour la cohésion cantonale. En effet, les trois Églises historiques du canton (réformée, catholique romaine et catholique chrétienne) ont depuis longtemps affirmé leur envie de voir accéder d’autres communautés religieuses au statut dont elles-mêmes jouissent depuis 1943.

Soulignant dans son préambule le caractère d’une époque prompte à «la sacralisation des identités, pour finalement mieux les opposer», Isabelle Ott-Baechler a rappelé que désormais, il revenait au peuple de choisir si évangéliques, orthodoxes, musulmans ou israélites pourraient s’engager en collaboration avec les Églises reconnues au service de la population neuchâteloise.

Droit de regard

Après une contextualisation historique des rapports entre État et Églises dans le canton de Neuchâtel par Jean-Jacques Beljean, pasteur et lui-même ancien président de l’EREN, les politiciens invités, le conseiller aux États PLR Philippe Bauer et le conseiller d’État PS Laurent Kurth sont alors entrés dans le vif du sujet.

Pour rappel, la nouvelle Constitution cantonale, adoptée par 76% des Neuchâtelois en 2000, prévoyait que d’autres communautés religieuses soient reconnues d’intérêt public si une loi en fixait les modalités. Cette loi contient notamment les conditions suivantes: respect de l’ordre juridique suisse et des libertés fondamentales, transparence complète sur les activités de la communauté, respect des autres communautés et de la paix religieuse, etc. La reconnaissance permettrait également à ces communautés de percevoir une contribution volontaire de leurs membres par le biais de l’État ou encore de pouvoir utiliser des locaux scolaires pour leurs enseignements, en dehors des heures d’école, dans le cadre de la loi sur l’organisation scolaire.

La procédure nécessaire, très longue et fastidieuse, pourrait durer jusqu’à cinq ans, mais ne prévoyait initialement pas que le peuple se prononce par référendum à chaque demande formulée par une communauté. Cela a agacé la droite. Résultat: le PLR et l’UDC ont lancé le référendum sur lequel le peuple neuchâtelois doit justement se prononcer ce 26 septembre.

Financements étrangers

Pour le conseiller d’État PS Laurent Kurth, «on ne spolie pas les pouvoirs du peuple. La loi a été votée par le Grand Conseil et le peuple se prononcera fin septembre sur ce qui concerne la procédure, les conditions et effets de cette reconnaissance, ainsi que sur la façon de pouvoir retirer cette dernière à une communauté». En effet, la construction juridique de la loi soumise au vote donne la compétence finale de ce processus au Grand Conseil, qui, en choisissant par décret qu’une communauté soit reconnue, n’est toutefois pas à l’abri d’une autre forme de contestation par référendum, cette fois-ci uniquement à la demande d’au moins trente députés. «Il n’y a donc pas de peur à avoir», a signifié Laurent Kurt au PLR Philippe Bauer en un clin d’œil appuyé, rappelant au passage qu’actuellement, le PLR est au bénéfice de trente-deux sièges au Grand Conseil.

Si Philippe Bauer n’est pas revenu sur les appréhensions exprimées par son parti au moment de lancer son référendum, il a pourtant rassuré l’un des participants, lequel a demandé qu’on précise à quel point la transparence serait demandée aux communautés candidates à la reconnaissance, notamment du point de vue de leurs financements. «On fantasme beaucoup sur certains dons venus de l’étranger, notamment pour les milieux musulmans, encore victimes de trop d’amalgames. Mais en soi, les financements étrangers ne sont pas un scandale. Tant que cet argent sert à ce que la communauté puisse fonctionner et que ses activités respectent le cadre de la loi, nous n’y voyons pas d’inconvénient»,-a-t-il déclaré.

De son côté, Laurent Kurth a finalement tenu à préciser que cette reconnaissance concernait bien des communautés et pas des religions: «Le processus, long et exigeant, ne peut venir que d’une organisation qui doit nourrir cette envie de reconnaissance et susciter à cet effet un réel questionnement, à l’interne, entre ses membres.»