Un regard intime sur la chasse aux sorcières

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Gwendolin Ortega
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Un regard intime sur la chasse aux sorcières

Gwendolin Ortega
La numérisation, associée à un regard historique axé sur les sources, ouvre des pistes nouvelles sur une problématique déjà très étudiée: la répression de la sorcellerie.

Gwendolin Ortega, chercheuse en lettres à l’Université de Lausanne, étudie les procès en sorcellerie dans l’espace alpin jusqu’en 1536 (soit la conquête du territoire vaudois par le pouvoir bernois). Un champ vaste et complexe, qu’elle aborde grâce aux technologies numériques. Sous la direction de Martine Ostorero, professeure associée en histoire médiévale, à l’Université de Lausanne, elle travaille notamment à un projet inédit : réunir la documentation concernant ce champ, sous format numérique. Registres comptables, comptes-rendus de procès, courriers entre différentes juridictions… Parce qu’ils peuvent être croisés de manière inédite, ces documents ouvrent de nouvelles pistes de recherches. 

Croiser différentes sources historiques autour de votre sujet, c’est une manière de mettre au jour divers types de pouvoirs en conflit?

Oui, bien sûr, puisque condamner quelqu’un, que ce soit pour sorcellerie ou autre, c’est faire valoir son autorité. Dans la région lémanique, plusieurs acteurs s’opposent: l’évêque de Lausanne, les châtelains savoyards, les petits seigneurs locaux. Mais, en croisant les sources, on parvient aussi à reconstruire le parcours des plus petites gens. En recoupant des archives, certains chercheurs ont retracé des liens de voisinage entre accusés et dénonciateurs, mettant au jour d’anciennes querelles non résolues, qui se sont terminées par le bûcher.

Qu’apporte ce regard intime?

Cette microhistoire, permise par l’analyse des sources, ouvre l’étude de situations au cas par cas, ce qui est plus instructif qu’une vue d’ensemble. La répression de la sorcellerie, à l’époque moderne, varie énormément sur 300 ans: le terme même de sorcière n’a plus la même signification au début et à la fin du phénomène.

Nous sommes face à un crime imaginaire

Un terme ambivalent que vous n’aimez d’ailleurs pas utiliser…

Il est préférable de parler de victimes de la répression de la sorcellerie. Qualifier ces femmes, ces hommes, ces enfants de sorcières ou sorciers, c’est projeter sur eux le même discours que leurs oppresseurs. Or nous sommes face à un crime imaginaire qui puise ses caractéristiques dans le même puits de reproches faits aux juifs, aux lépreux, aux hérétiques, etc.

Un élément émouvant dans vos recherches?

J’ai récemment lu un livre de comptes. Les coûts y sont décrits de manière froide: la potence, la chaîne, la cage ont représenté telle somme. En tant qu’historienne, j’analyse beaucoup de comptes-rendus de procès et j’ai l’habitude de prendre du recul pour ne pas voir l’horreur. Mais, curieusement, cet aspect purement factuel m’a davantage touchée.

Que comprenez-vous du rôle de l’Eglise dans ces chasses?

L’Eglise chrétienne (avant la Réforme) a apporté les fondements intellectuels de la répression, pour brûler et condamner des individus hérétiques, qui n’avaient pas «la bonne croyance». Mais les chasses prennent davantage d’ampleur dans nos régions quand le pouvoir laïque est entièrement aux commandes. Pour comprendre globalement le phénomène, il faut mettre sur le même plan les motifs religieux, les querelles de voisinage, la marginalisation des individus ou la volonté d’enrichissement des autorités.

La recherche

Répression de la sorcellerie en Pays de Vaud (XVe–XVIIe siècles)

Un projet de la Fondation des sources du droit

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