La foi évangélique se vit en tension entre «objectivité et subjectivité»

Henri Blocher / JoB
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Henri Blocher
JoB

La foi évangélique se vit en tension entre «objectivité et subjectivité»

15 décembre 2017
Le théologien évangélique Henri Blocher a donné une conférence publique à St-Légier (VD). Il s’est livré à l’exercice de la définition des axes centraux de la théologie de ce mouvement.

«Le mot “évangélique” attire l’attention aujourd’hui comme il ne le faisait pas quand j’étais jeune, grâce à la progression de ce mouvement et grâce à l’essoufflement d’autres confessions. La question de son identité se pose donc avec davantage d’identité», a rappelé le théologien évangélique Henri Blocher, en début de la conférence publique qu’il a donnée la semaine passée à la haute école de théologie, HET-pro, à St-Légier (VD).

«La question se pose avec davantage d’insistance de l’identité du mouvement évangélique», a rappelé l’ancien professeur de théologie systématique de la faculté libre de théologie évangélique de Vaux-sur-Seine (78). Mais au vu de la variété des courants se reconnaissant comme «évangéliques», répondre à cette question est difficile: du moins, il n’est pas possible d’en définir exactement les «zones frontière», raison pour laquelle le théologien s’est proposé de plutôt présenter les axes centraux de la théologie de ce mouvement.

Henri Blocher n’est pas le premier à se livrer à cet exercice, il a notamment rappelé les travaux de l’anglais John Stott qui a défini le mouvement évangélique comme «conversionistes», «biblicistes», «crucicentristes» et «activistes» ou dit en d’autres mots, ils accordent une importance primordiale à la conversion individuelle, à la Bible, à la croix, et à l’engagement individuel.

Mais Henri Blocher propose plutôt une structure binaire. «Le mouvement évangélique se caractérise par un accent sur l’objectivité, le souci de la subjectivité et il y a un lien entre les deux.»

«Objectivité dans le rapport à la Bible»

Objectivité parce que les évangéliques «recherchent l’entier respect de l’Ecriture». Et le théologien de préciser «cela s’oppose au traitement historico-critique à partir du moment ou l’interprète se considère comme capable de trier ce qui convient et ce qui ne convient pas dans le texte biblique. Le mouvement évangélique s’oppose à l’usage abusif de l’historico-critique et de l’herméneutique. On observe qu’aujourd’hui, c’est au nom de l’herméneutique que l’on s’autorise des comportements opposés à ce qui est prescrit dans les Ecritures», dénonce le théologien. Le mouvement évangélique défend, notamment une morale sexuelle très stricte au nom d’une lecture littéraliste de la Bible. «Il y a des théologiens non évangéliques qui ont des positions ambiguës sur l’historicité de la résurrection de Jésus», ajoute le chercheur. «Et d’autres éléments du crédo sont touchés! Il n’y a pratiquement que les évangéliques qui défendent l’historicité de la naissance virginale de Jésus. Et en dehors des évangéliques ils sont encore moins nombreux à croire en l’historicité de la chute. (NDLR le péché ayant entrainé une rupture avec Dieu et l’expulsion du Jardin d’Eden.) Chez certains évangéliques on trouvera un Adam collectif, mais dans tous les cas l’historicité de la rupture.»

Subjectivité

Henri Blocher entend par subjectivité essentiellement l’engagement individuel, dans la lignée des piétistes allemands ou des puritains anglais, par exemple. Les formes peuvent toutefois être variées, notamment sur l’usage du corps: retenue ou expressivité durant le culte. «Pour l’appartenance à l’Eglise visible, d’autres Eglises n’exigent pas un engagement marqué», rappelle le théologien.

«Ces deux insistances, objective et subjective, sont polairement opposées, mais pour aller dans l’axe du mouvement évangélique, il faut aller dans ces deux sens», conclut-il. Interrogé par un auditeur sur la question de la différence entre fondamentalisme et évangélisme, Henri Blocher répond: «Je ne me définis pas comme fondamentaliste, mais lorsque l’on me colle cette étiquette, je l’assume! Mais je définis ce que j’entends par fondamentaliste!» Présentant une étymologie de ce terme faisant référence à une publication américaine des années 1910-1920 présentant les fondamentaux de la foi. Un texte qu’il peut assumer.