La précarité se répand parmi les jeunes Suisses

Au cours d’un atelier de prévention du surendettement auprès des jeunes, en novembre 2023. Les jeunes choisissent une image du photolangage pour parler librement de ce que cela évoque pour elles et eux, en lien avec l’argent. / ©CSP
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Au cours d’un atelier de prévention du surendettement auprès des jeunes, en novembre 2023. Les jeunes choisissent une image du photolangage pour parler librement de ce que cela évoque pour elles et eux, en lien avec l’argent.
©CSP

La précarité se répand parmi les jeunes Suisses

Accompagnement
Les dettes et incohérences administratives fragilisent toutes les catégories d’adolescents et de jeunes adultes, pointent les Centres sociaux protestants romands, qui plaident pour une véritable politique publique.

«Je n’ai aucune idée de comment remplir mes impôts! J’ai envie d’apprendre comment faire, d’avoir un modèle!» expliquait un apprenti de 21 ans du Centre de formation professionnelle neuchâtelois au micro de Canal Alpha. Le projet pilote «Les midis de l’impôt», mené avec plusieurs partenaires, dont le Centre social protestant (CSP) de Neuchâtel, a répondu à ses attentes. «J’ai pu comprendre plein de choses», témoigne un autre étudiant. «Souvent cette démarche est perçue comme quelque chose de compliqué», observe Mélanie Müller-Rossel, codirectrice du CSP à Neuchâtel. «Or la plupart des jeunes n’ont pas conscience que ne pas remplir sa déclaration empêche d’avoir droit à certaines aides. L’Etat se fonde par exemple sur ce document pour attribuer ses subsides, c’est-à-dire la part d’assurance-maladie qu’il prend en charge!»

Culture de la consommation

C’est à partir de cette méconnaissance que peut démarrer une situation de précarité. Ou lorsqu’une bourse étudiante accordée à un jeune est rétroactivement recalculée et un remboursement demandé «parce qu’un parent a finalement obtenu une prestation d’assurance-invalidité», pointe Caroline Regamey, responsable de politique sociale et de recherche pour le CSP Vaud. Ou encore quand un jeune qui travaille à côté de ses études et perçoit un revenu complémentaire «se voit sanctionné en retour par la diminution de sa bourse étudiante», explique Bastienne Joerchel, à la tête du CSP Vaud.

La pauvreté des jeunes n’est pas due à une question de responsabilité personnelle, même si la «culture de la consommation, les paiements réalisés de plus en plus facilement et de manière dématérialisée» n’arrangent rien, constate Alain Bolle, à la tête du CSP Genève, qui observe dans son canton une explosion des demandes à l’aide alimentaire des étudiants. Le fait que ces derniers «soient parfois domiciliés dans un canton mais étudient dans une autre région romande» complique parfois la donne pour les services qui pourraient les aider, complète Pierre Ammann, directeur du CSP Berne-Jura.

20 ans, 10 000 francs de dettes

Résultat: «Il n’est pas rare de voir des jeunes de tous milieux sociaux arriver dans nos services avec 10'000 à 15'000 fr. de dettes», observe Mélanie Müller- Rossel. En 2021, 13% des jeunes de 18 à 24 ans étaient déjà à risque de pauvreté. Pour les CSP, qui accompagnent depuis 15 ans la lutte contre le surendettement, la situation sur le terrain ne s’améliore pas. Et si tous reconnaissent une prise de conscience des autorités, «la temporalité politique reste lente», explique Alev Ucar, collaboratrice au Service social Jeunes du CSP Vaud.

D’une même voix, les CSP romands (Genève, Vaud, Neuchâtel, Berne-Jura) appellent donc à une véritable politique publique contre la précarité des jeunes et proposent six recommandations très concrètes: prendre en compte toutes les charges en cas de calcul de minimum vital des poursuites, mieux coordonner les dispositifs sociaux, mieux surveiller les établissements de crédit à la consommation et de recouvrement, réguler la publicité incitative – y compris sur les réseaux sociaux –, encourager l’imposition à la source… Et, pourquoi pas, examiner une allocation d’étude universelle, comme le proposent certains pays nordiques. «Dans tous les cas, réguler vaut la peine. Depuis la loi sur le surendettement à Neuchâtel en 2021, les effets positifs sont multiples», observe Mélanie Müller-Rossel. «Quand le phénomène est reconnu, les personnes peuvent parler de leurs problèmes et la prise en charge est facilitée.»