Maîtriser ses semences, étape-clé vers l’indépendance

Se réapproprier le marché des semences permet aux petits producteurs de gagner en indépendance économique, et en qualité de produits. / © EPER
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Se réapproprier le marché des semences permet aux petits producteurs de gagner en indépendance économique, et en qualité de produits.
© EPER

Maîtriser ses semences, étape-clé vers l’indépendance

Joëlle Herren Laufer, EPER, Haïti
14 janvier 2020
Paralysie
Dans un Haïti en crise, l’Entraide protestante (EPER) aide les communautés rurales de la Grand’Anse à prévenir des catastrophes et à devenir maîtres de leurs semences pour ne devoir dépendre de personne.

Haïti est en crise. Trois mois que les écoles, les hôpitaux et les entreprises sont à l’arrêt. C’est «payi lòk» (pays bloqué), comme on dit ici. Les grands axes de Port-au-Prince, tout comme les routes vers la province, sont barricadés avec des pneus qui brûlent et des gangs aux commandes. La baisse soudaine du pouvoir d’achat a mis le feu aux poudres, alors que 60% des Haïtiens vivent avec moins de 2 dollars par jour. Ils demandent des comptes sur le détournement de plusieurs milliards de dollars qui auraient dû permettre le développement du pays via l’accord Petrocaribe, une initiative du Venezuela qui fournissait de l’essence à tarif préférentiel. «Même si le président Jovenel Moïse n’est pas le seul en cause, il est accusé de tous les maux.

Cela justifie pillages, violences et destructions, explique Rosny Dessroches, ancien ministre haïtien, figure du protestantisme local, et promoteur de la société civile. C’est une tactique bien haïtienne de ‹déchouker› (renverser le pouvoir en place) sans rien proposer à la place, si ce n’est un gouvernement transitoire opposé qui organisera des élections dépourvues de légitimité démocratique.» Loin de la capitale, la crise est moins présente. Mais le manque de carburant à cause des blocus pose problème pour accéder aux différentes communes du département de la Grand’Anse, dans la pointe occidentale de l’île. L’EPER travaille depuis des décennies à améliorer les conditions de vie des ménages ruraux. Cette région est luxuriante et fertile, mais les communautés sont très dispersées et privées d’eau, d’électricité et de soins.

Prêt de semences

L’ouragan Matthew, en 2016, avait tout arraché sur son passage dans cette partie de l’île… «Il a été très dur de relancer la production, car toutes les semences avaient disparu », explique Jean Widal Fanor, coordinateur du projet. A l’aide de son partenaire local, l’Église méthodiste d’Haïti, l’EPER a constitué dans sept lieux des Groupements de production artisanale de semences (GPAS). Adaptées au terrain, ces semences sont avancées aux producteurs membres, qui doivent en retourner le double après récolte. Rosette Noëlsaint, 52 ans, est membre du groupement de Carrefour Jacsin. Elle a reçu une formation: «Avant, je mettais six graines de pois par trou, maintenant, je n’en place plus que trois, car elles sont de bonne qualité. Ainsi, je cultive plus de pois et je n’ai plus besoin de marcher 2 à 3 heures pour les vendre au marché.» Avec les bénéfices, le groupement a créé une mutuelle de solidarité pour aider les membres en cas de coup dur.

A une heure de Jacsin, le comité de développement de Montagnac, lui, produit, distribue et vend des semences de légumes. Les femmes retirent les graines des tomates, aubergines, gombos, piments et épinards et utilisent la chair pour cuisiner ou préparer des sauces. Silface Lima, le responsable, n’est pas peu fier: «Nous avons réussi à vendre nos semences à l’ONG Solidarité internationale, c’est une première! La vente de semences de légumes est plus rentable que celle d’oléagineux et nous sommes les seuls à faire cela dans la région. Mais c’est un énorme travail de faire le tri.» Les groupements ont aussi appris à préserver leurs stocks dans des silos étanches au sein d’abris souterrains en cas d’ouragan.

Avec cette plateforme de semences, les communautés peuvent court-circuiter les circuits habituels, lutter contre les surplus de semences inadaptées importées à bas prix des Etats-Unis et négocier elles-mêmes les prix en fonction du marché. C’est un cercle vertueux.

Soutenez ce projet 

EPER, CP 10-1390-5, mention «Haïti». Infos: www.pin.fo/haiti

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