La Vodka de Vevey

Le monument en souvenir des vignerons du Tsar. / ©Eric Bornand
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Le monument en souvenir des vignerons du Tsar.
©Eric Bornand

La Vodka de Vevey

Eric Bornand
29 juin 2022
Solidarité
La Région Lavaux est active en ce qui concerne l’accueil des réfugié·es Ukrainien·nes. Eric Bornand, pasteur à Saint-Saphorin accueille une famille ukrainienne. Il témoigne.

Notre rythme de vie a été bousculé et enjolivé par l’arrivée d’une famille ukrainienne que nous hébergeons: Natacha et ses deux filles de 7 et 5 ans, Nadja et Katia. Cet élan du cœur que beaucoup d’autres ont connu est évidemment un pari un peu risqué. Nous avons été émerveillés par la force de cette solidarité collective et avons trouvé facilement les aides nécessaires. Et après quelques démarches un peu rocambolesques, le jour de la Pâque orthodoxe (!), nous avons vu arriver cette maman et ses enfants, ne sachant pas où elles arrivaient, dépendantes de notre bon vouloir. Une leçon de confiance.

Natacha vient d’une famille russophone d’Odessa. Son mari l’a convaincue de quitter le pays pour mettre les filles en sécurité. Elle n’avait jamais quitté l’Ukraine, ou pris le train. Hasard des réseaux sociaux, sa sœur est arrivée de son côté à Renens, a vu notre offre et nous a mis en relation. Et les voilà. Il faut tout réinventer, s’expliquer sur les aspects de la vie en commun, laisser tomber les craintes qui risquent de paralyser la relation. Remises du voyage, les filles ont commencé à chanter, se sont enthousiasmées de trouver chez nous un chien. Tout devient aventure, source d’émerveillement ou d’interrogation: commencer l’école, expliquer les trajets, comment on trouve l’EVAM à Lausanne...

Très vite, Natacha insiste pour avoir «quelque chose à faire». Elle ne veut pas être à charge, espère trouver du travail: si jamais vous pouvez lui proposer un emploi, elle est comptable et gère à merveille les tableaux Excel. Elle pratique un peu d’anglais et a commencé à apprendre le français.

Une fois la pression retombée, nous osons poser des questions sur les drames traversés. Natacha montre sur son téléphone l’immeuble voisin qui a été bombardé, raconte son inquiétude pour son mari, pour les parents isolés à la campagne. C’est comme si elle parlait de gens que l’on connaît. Comme si cette catastrophe était arrivée ici. Alors oui, nous avons bien fait d’ouvrir notre porte. Le plus étrange est sans doute de ne pas pouvoir se projeter dans l’avenir. Combien de temps seront-elles chez nous?

Et puis l’autre jour, en face de la maison de commune de Chexbres, je revois le monument en souvenir des «Vignerons du tsar». Il y a une petite explication et une carte avec un itinéraire de Lavaux à Chabag, dans la région d’Odessa. Et la date me saute aux yeux: 1822. Il y a donc exactement 200 ans que des vignerons de notre région partaient fonder une colonie et cultiver du chasselas sur des terres mises à disposition par le tsar de Russie, dans l’actuelle Ukraine. Autre coïncidence, Chabag était proche d’un lac nommé Liman! Des gens d’ici étaient partis chercher, sinon fortune, de bonnes terres à cultiver. La présence helvétique perdura à Chabag jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. J’en ai parlé à Natacha qui n’avait jamais entendu ce nom de lieu. Jusqu’à ce que je comprenne que le village se nomme désormais Shabo. Et Natacha de me faire alors un grand sourire et de me répondre grâce à «Google Translate». «Ah oui, j’ai visité une fois le musée suisse de Shabo avec mon mari. C’est là-bas qu’ils fabriquent la «Vodka de Vevey».

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