Un rite, tant de variantes

Fresque d'une cellule du couvent San Marco de Florence. / Fra Angelico vers 1440 / wikimédias
i
Fresque d'une cellule du couvent San Marco de Florence.
Fra Angelico vers 1440 / wikimédias

Un rite, tant de variantes

Tour d’horizon
D’une paroisse à l’autre, nombre de détails changent dans la pratique de la cène.

Les godets individuels

Dans nos contrées habituées à boire le vin dans une même coupe que l’on se passe entre fidèles (quitte à passer un discret coup de chiffon sur son rebord tous les deux ou trois fidèles), les gobelets individuels, souvent jetables, faisaient sourire en coin: typique de l’hygiénisme d’Amérique du Nord! Mais ça, c’était avant la pandémie.

Normal pour le théologien Félix Moser qui s’en amuse: «Si j’aime mon prochain sincèrement, cela ne veut pas dire que je tienne absolument à tout partager avec lui ou avec elle, jusqu’à mes virus», rigole-t-il.

Le théologien Olivier Bauer raconte quant à lui: «J’ai vécu une fois la cène avec une communauté malgache. Bien entendu, quand on m’a tendu un gobelet, je l’ai bu immédiatement sans réfléchir. Alors qu’en fait, là-bas, ils attendent que la distribution ait eu lieu et boivent le vin tous en même temps! C’est finalement assez beau et le ressenti de partager un acte communautaire est assez fort.

La cène à la maison

A la fin du culte de Pâques, chaque paroissien de Cordast (FR) est reparti avec un sachet contenant du jus de raisin, un petit pain et une liturgie, pour vivre chez soi la cène pascale au retour de la célébration.

A Hérémence (VS) la paroisse catholique organise une distribution d’hosties pour les personnes du village qui ont dû suivre la messe sur YouTube en raison des limitations du nombre de personnes autorisées dans l’église, selon RTS religion.

La pratique de la communion à domicile pour les personnes dans l’incapacité de se déplacer est toutefois attestée dès le IIe siècle selon un article de reformes.ch.

La liturgie à la télé ou sur Zoom

Durant la pandémie, plusieurs ministres se sont essayés à proposer une cène lors de culte en vidéoconférence ou à la télévision. Il faut dire que dès le début de la crise sanitaire, Michel Kocher, directeur de Médias-pro, le partenaire protestant de RTS religion, avait déclaré: «Feu le professeur vaudois de théologie pratique Jean-Marc Chappuis avait écrit sur le concept de téléprésence réelle. Pour lui, il est possible de vivre la cène à la maison sous la présidence d’un pasteur à la télévision en communion avec une large communauté. En cette période de montée vers Pâques, alors que l’on ne sait toujours pas comment l’on pourra vivre cette fête cette année, ce genre de choses est à redécouvrir» (voir notre édition d’avril 2020).

Olivier Bauer s’est livré à l’exercice: «J’ai été un peu pris de court, à ne pas savoir quel pain et quel vin ou jus de fruits choisir. S’il faut le refaire, je pense que je préparerai cela un peu en avance.»

Pour sa part, Félix Moser n’imagine pas partager ce moment de façon médiatisée: «Pour moi la cène n'a de sens que lorsque le pain et le vin sont partagés. Cette dimension d'une distribution réelle est importante: les espèces me sont données par une personne physique autre que moi. Je préfère m'abstenir de la cène plutôt de la prendre seul ou dans le cercle familial restreint.»

Du jus de raisin

«Dans l’Eglise protestante, l’utilisation de boissons sans alcool pendant la cène s’est développée au début du XXe siècle avec les grandes vagues d’abstinence pour lutter contre l’alcoolisme», explique Bernard Reymond, professeur honoraire en théologie pratique à l’Université de Lausanne, cité dans une enquête de l’agence Protestinfo sur le contenu des coupes de sainte cène.

On y apprend également que le vin blanc est largement préféré au rouge dans nos contrées, d’une part parce que c’est celui que les vignerons produisent le plus et d’autre part, parce qu’il est moins salissant!

Et quel pain?

Plusieurs confessions chrétiennes, à commencer par les catholiques romains, utilisent des hosties plutôt que du pain, lors de la communion. «Lors de la célébration de la cène, Jésus utilise du pain sans levain», rappelle la Croix dans un article consacré à la place du pain dans la Bible. L’hostie, dont la composition et l’usage ont été codifiés assez strictement lors de différents Conciles entre le VIe et le XIIe siècle au sein de l’Eglise romaine, rappelle donc le pain utilisé par les juifs lors de la Pâque, fête que célébrait Jésus lors de l’institution de la cène selon les textes.

Toutefois, dans le cadre de ses recherches, Olivier Bauer s’est intéressé aux aliments figurant dans les représentations de cènes. Bretzel ou biscuits à la confiture sont ainsi au menu de cet inventaire. Pour inciter les croyants à réfléchir au sens de la cène, «on devait davantage jouer avec différentes sortes de pain», ajoute le chercheur. 

L'accueil des enfants

«La cène permet d’appréhender la foi autrement que par l’intellect, on aurait tort de priver les enfants de cette expérience», résume Olivier Bauer. Pourtant, les plus jeunes ont longtemps été privés de communion jusqu’à ce que l’on s’assure qu’ils aient bien intégré les connaissances nécessaires pour en comprendre le sens. «J’ai participé à la cène pour la première fois en 1975, lors de ma confirmation», témoigne la théologienne Elisabeth Parmentier. «Ensuite, dans les années 1980, on a progressivement commencé à accueillir les enfants lors de la communion. Jusqu’alors, une prière leur était dévolue.»

Quelle fréquence?

La pratique de la cène, hors temps de pandémie, varie énormément d’une paroisse à l’autre: hebdomadaire dans certains lieux, elle se fait plus rare dans la plupart des temples, sans pour autant faire l’objet de directives précises. Dans un article figurant dans les archives du magazine Evangile et Liberté, le théologien André Gounelle répond à la question de la fréquence de la cène par un «ni trop ni trop peu». Il rappelle: «Dans l’Eglise encore indivise de la fin du Moyen Âge, on a une situation étonnante et paradoxale. L’eucharistie est célébrée chaque dimanche, à chaque messe, en général une fois par an au moment de Pâques, quelquefois moins, et exceptionnellement plus. Il en résulte que l’eucharistie devient un spectacle auquel on assiste sans y participer, ce contre quoi les réformateurs ont vivement réagi. Ils ont voulu une cène moins fréquente et plus fréquentée.» La théologie de la Réforme prendra donc soin de ne pas donner un caractère essentiel à la cène, qui est en revanche donné à la prédication.

Partagez vos anecdotes - posez vos questions

Chacun, chacune a certainement des interrogations, des anecdotes,
des témoignages autour de ce moment si solennel qu’est la cène.
Partagez-les ici, nous les traiterons avec Olivier Bauer et en ferons un retour dans une prochaine édition.

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription est confirmée.

Êtes-vous au courant de
l'ACTUALITÉ CHRÉTIENNE
de cette semaine ?

*Champs obligatoires - 🔒 Vos données resteront privées. Désinscription en 1 clic.