Dieu se fait comprendre des humains: mots, gestes et silences

Dieu se fait comprendre des humains : mots, gestes et silences / © EERS
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Dieu se fait comprendre des humains : mots, gestes et silences
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Dieu se fait comprendre des humains: mots, gestes et silences

Théologie pratique
La parole de Dieu s’incarne dans l’ensemble des rites du culte, pour Christophe Collaud, pasteur passionné de liturgie.

«Dans le protestantisme, il y a cette idée que le geste, c’est la parole en moins bien. Le plus pur – ce qui se rapprocherait le plus de la parole de Dieu – serait la parole verbale», regrette le pasteur Christophe Collaud, qui, sur son temps libre, prépare une thèse en théologie pratique sur la manière dont Dieu communique dans la liturgie (ensemble des rites du culte). Ces recherches l’amènent à considérer que la parole divine est autre et qu’en cela elle s’incarne tout autant dans une phrase prononcée que dans une prière, une bénédiction, un signe de paix ou tout autre symbole. «Dieu est communication si l’on en croit les premiers versets de l’Evangile selon Jean. Cette Parole s’incarne et se rend humaine, mais théologiquement cette incarnation dépasse l’événement Jésus. Elle continue de s’incarner dans la parole humaine!»

Parole agissante

Christophe Collaud regrette donc que notre tradition réformée laisse si peu de place à la liturgie. «La formation des ministres consacre bien plus de temps à la prédication. Et historiquement, la liturgie était donnée par des ouvrages de référence. Aujourd’hui, je regrette que de nombreux célébrants proposent des textes sans vraiment se soucier de la cohérence qui peut exister entre eux au sein d’une célébration.»

Dans ses lectures, les recherches du philosophe anglais John L. Austin (1911-1960) l’ont particulièrement touché. «Austin détaille trois actions que l’on produit en parlant», explique le ministre. «L’acte locutoire: le fait d’émettre des sons avec sa bouche; l’acte illocutoire: ce que l’on fait en parlant, par exemple, là je suis en train de vous expliquer quelque chose; et, plus intéressant, l’illocutoire performatif: par exemple, le fait qu’un président de séance déclare ‹la séance est levée› a pour effet de mettre fin à celle-ci», détaille le théologien. «On peut aussi parler d’‹effets perlocutoires› pour désigner un acte déclenché par une parole. Par exemple, si je dis ‹j’ai froid›, cela peut avoir pour conséquence qu’une personne ferme la fenêtre. Cela peut aussi induire un ordre hiérarchique, car cela implique que j’estime que ce n’est pas à moi de fermer la fenêtre…» Le pasteur complète. «On peut aussi prendre un exemple liturgique: lorsque le pasteur dit ‹je te baptise› en versant de l’eau sur un enfant, il va y avoir un acte illocutoire performatif: par la parole prononcée l’enfant est baptisé d’eau. Mais il y a aussi un effet perlocutoire: ceux qui assistent à l’événement ressentent divers sentiments qui coloreront pour eux leur compréhension du baptême.»

Vouloir tout comprendre

«Mon idée, c’est que c’est là justement que se glisse la parole de Dieu», explique le chercheur. «Et cela dit deux choses, d’une part, que la parole du parleur est importante car elle peut permettre à cet événement de se produire. Et, d’autre part, il faut entre cette parole et celui qui écoute une intervention divine. Nous ne sommes donc pas maîtres des effets d’une parole, mais nous pouvons créer les conditions.» Une hypothèse qu’il a vérifiée en interrogeant des participants à des liturgies particulières et en cherchant à déceler les éléments d’une compréhension qui n’aurait pas été verbalisée. «Je crois d’ailleurs que l’on fait une erreur dans notre tradition à trop vouloir expliquer tout ce que l’on fait lors d’une liturgie. J’ai moi-même vécu une expérience spirituelle forte à partir du moment où j’ai renoncé à tout comprendre en participant, lors d’un voyage, à une cérémonie, dans une tradition que je ne connaissais pas. Et j’ai vécu de beaux moments en tant que ministre en proposant des liturgies nouvelles et sans trop les expliquer à mes paroissiens et paroissiennes.»

La thèse en bref

La recherche est conduite, Christophe Collaud est actuellement en phase de rédaction. « La période de pandémie m’a un peu coupé dans mon élan », regrette-t-il. Sous la direction de Félix Moser (UNINE), Elisabeth Parmentier (UNIGE) et Arnaud Join-Lambert (UCL).

Christophe Collaud

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