Catherine de Sienne: de la mystique à la politique

Catherine de Sienne, par Baldassare Franceschini, XVIIe siècle / ©Domaine public, Wikimedia Commons
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Catherine de Sienne, par Baldassare Franceschini, XVIIe siècle
©Domaine public, Wikimedia Commons

Catherine de Sienne: de la mystique à la politique

Visions
Analphabète, Catherine de Sienne trouve dans la prière intense l’inspiration pour parler aux puissants de l’époque, au point de marquer l’histoire de son siècle.
L’âme demeurant devant le Soleil – le Christ crucifié – qui est l’objet de sa contemplation connaît et Dieu et l’homme.
Catherine de Sienne, Dialogue (XIVe siècle)

Non, se retirer dans sa «cellule intérieure» et chercher Dieu dans la prière continuelle, ce n’est pas fuir ses responsabilités! La vie et le témoignage de la jeune religieuse italienne Catherine de Sienne (XIVe siècle) le manifestent.

Dans son cœur, un seul désir: contempler ce «Soleil» qu’est le Christ crucifié. Non par dolorisme, mais dans un élan d’amour pour ce Seigneur qu’elle n’a de cesse de rechercher. Entrée dans une confrérie de femmes religieuses en Toscane, elle observe de longs moments de prière dans sa chambre, ne sortant que pour assister à la messe et aux offices. Elle a des visions, des extases mystiques qui raidissent tout son corps, et elle s’entretient intérieurement avec Jésus. C’est lui qui lui enseigne, dit-elle. Car elle ne sait ni lire ni écrire, et doit donc dicter l’ensemble de ses écrits à des proches.

Unité divine, division humaine

Catherine se prive non seulement de nourriture, mais aussi de sommeil, pour veiller concrètement avec le Christ. Mais cette vie d’intimité avec le Seigneur, loin de l’éloigner du monde, l’ouvre à une connaissance non seulement de Dieu, mais aussi, et surtout, de l’humain. Dont elle met au jour, toujours plus clairement, les travers et les oppositions. Des oppositions qui se manifestent en particulier dans l’Europe de son époque: les villes de Florence et de Sienne sont en proie à des révoltes violentes au XIVe siècle. Par ailleurs, l’Eglise se déchire. Pour des raisons d’alliances politiques, le pape quitte Rome pour s’installer à Avignon.

La perception qu’elle a de cette humanité divisée, en face d’un Dieu dont elle mesure intimement la volonté d’unité, l’appelle à devenir «apôtre de réconciliation». La mystique de Sienne soigne alors les malades, secourt les pauvres… mais aussi les riches! Elle prêche en public, bien que femme et laïque. Et sa vie spirituelle profonde, cette connaissance non pas intellectuelle mais intérieure, lui donne l’audace de soutenir des combats toujours plus audacieux, proprement politiques. Elle veut être un «doux crieur de Dieu», comme elle le dit.

Cette femme sans instruction finit alors par conseiller le pape.

Une femme conseillère du pape

Cette femme sans instruction finit alors par conseiller le pape lui-même, et son insistance auprès de Grégoire XI pousse ce dernier à abandonner son exil à Avignon pour revenir s’installer dans la Cité éternelle.

La vision mystique de Catherine devient vision incarnée, et se transforme en action politique! Un engagement dont la source n’est autre que la prière humble et continue. Comme on a pu l’écrire, Catherine de Sienne «est la mystique du corps mystique» du Christ qu’est l’Eglise. Est-ce un hasard si elle meurt à l’âge de 33 ans, comme son Seigneur, selon la tradition ?

Catherine en quatre dates

1347 Naissance à Sienne (Toscane). Dès son plus jeune âge, elle montre une dévotion particulièrement forte.

1365 Après une vision, Catherine rejoint un groupe de femmes pieuses liées à l’ordre des dominicains. Elle connaît de nombreuses expériences mystiques, jusqu’à son «mariage mystique avec le Christ», en 1368.

1377 A l’instigation notamment de Catherine, le pape Grégoire XI quitte Avignon pour revenir siéger à Rome.

1380 Décès à Rome. Alors que Catherine était entourée d’une aura de sainteté de son vivant, la dévotion envers elle se développe rapidement par la suite.